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l’homme et la terre. — phénicie

sément en cet endroit les routes convergentes s’unissent en un étroit couloir où les foules en mouvement devaient se précipiter avec force comme les eaux d’un fleuve entraînées en un chenal unique. Aussi nulle société tranquille n’a pu se constituer pour une longue période dans cette région pourtant si favorisée à tant d’égards. Que de fois des États s’ébauchèrent et tentèrent de vivre en cette partie de l’Asie antérieure, et que de fois ils succombèrent après une courte durée sous la formidable pression du dehors !

Aux temps protohistoriques racontés par la légende et l’histoire de ces contrées, c’est-à-dire il y a 3 500 ans, les abords orientaux des Portes Ciliciennes, la vallée de l’Euphrate et la Syrie, étaient occupés par les Hittites, Hétéens ou Héthiens, les Kheta des Egyptiens, nation très différente des Sémites qui peuplent de nos jours la Syrie septentrionale. Les monuments égyptiens représentent les Hittites sous des traits ressemblant, d’après Sayce[1], à ceux des Mongols de nos jours : ils avaient la peau jaunâtre, les yeux noirs, ainsi que la chevelure, celle-ci disposée en trois longues tresses ou réduite à une houpe au milieu du crâne rasé[2] ; le nez s’avançait en une forte saillie entre deux pommettes proéminentes et paraissait d’autant plus aigu que le front et le menton glabre étaient fortement rejetés en arrière. Sur les roches d’Ibsambul qui racontent la victoire, vraie ou prétendue, de Sésostris, les Hittites vaincus sont figurés avec une taille courte et ramassée, indiquant un peuple frère des Tartares du nord de l’Asie[3].

Quoi qu’il en soit, on ignore à la suite de quels événements ces populations non sémitiques s’étaient établies dans cette région de l’Asie antérieure. A en juger d’après certains détails de leur costume, la forme des bottes relevée à la pointe et celle des gants dont le pouce est isolé, les Hittites auraient fait un long séjour dans la Cappadoce, où l’on retrouverait encore, d’après Wilson, des troglodytes ayant le même type que celui des Hittites d’Ibsambul. Les habitations souterraines qui furent creusées par dizaines de milliers dans les buttes coniques, les talus et falaises de tuf, occupant une vaste

  1. A.-H. Sayce, The Hittites, trad. de J. Ménaut.
  2. Wilson, Palestine Exploration Fund, Jan. 1884.
  3. Wright, The Empire of the Hittites ; Couder, Heth and Moab, p. 22.