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l’homme et la terre. — libye, éthiopie

des centres d’attraction les plus énergiques pour le reste du monde. Ces terres riveraines de l’océan Indien étaient un des « Ophir » vers lesquels cinglaient les flottes phéniciennes : la valeur du métal compensait les dépenses de l’armement et du déplacement, car à cette époque, un voyage d’aller et de retour durait toute une année. Suivant les traditions nautiques des populations du rivage de l’océan Indien, les Phéniciens, naviguant comme le font aujourd’hui les Arabes, en des embarcations qui ressemblent aux dhaws ou boutres actuels, descendaient le long de la côte orientale d’Afrique, en décembre et en janvier, avec la mousson du nord, puis revenaient d’avril à septembre, avec les vents réguliers du sud-est ou du sud-ouest : courant par vent arrière, à la vitesse moyenne de 9 à 10 kilomètres par heure pendant le jour et de 7 à 8 kilomètres pendant la nuit, ils pouvaient fournir une navigation quotidienne de 900 à 1 000 stades, soit d’environ un degré et demi de latitude[1].

Nul vestige n’a encore révélé où se trouvait, près de Sofala sans doute ou à Sofala même, le port des boutres phéniciens, mais on a bien reconnu les anciennes mines. A en juger par les énormes mouvements de terrain que l’on observe en mille endroits de la région, et aux nombreux vestiges de fourneaux de fusion, les mineurs exploitèrent jadis les gisements d’or avec une très grande activité, et l’on ne saurait douter que le métal recueilli — d’après les experts actuels, pour une valeur totale de plus de deux milliards — ne fût exporté vers les grands marchés riverains de la mer des Indes pour entrer dans le commerce général du monde. Autour de quelques excavations se voient les débris de meules à broyer la pierre, que l’on avait d’abord brisée en chauffant le roc, puis en le faisant éclater par des jets d’eau froide[2].

Outre les grands travaux miniers, d’autres faits témoignent des relations d’échanges qui durent avoir lieu, aux âges lointains, entre les habitants de l’Afrique australe et les nations commerçantes de la mer Rouge et de la Méditerranée. Dans toutes les contrées où se voient les ruines de palais et de temples analogues à ceux de Zimbabyeh, jadis habités par les rois ou consacrés aux dieux, les indigènes ont conservé l’usage de baguettes oratoires et divinatoires, qu’il faut

  1. Alfred Grandidier ; — Gabriel Gravier, Société normande de Géographie, Bull. juillet-août 1898.
  2. De Launay, Mines d’or du Transvaal.