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l’homme et la terre. — égypte

à cet égard, les Egyptiens avaient certainement, dès les premiers âges, des rapports directs ou indirects avec les populations de l’Ethiopie, de la Libye, de l’Arabie voisine. Certes, il eût été fort étrange qu’un peuple, établi sur le bord d’un fleuve qui faisait du transport incessant des denrées une condition essentielle de la vie nationale, pût arrêter brusquement son trafic à toutes ses frontières, et des faits nombreux, constatés par les archéologues, ont en effet démontré que le mouvement du commerce, se propageant au loin, était irrépressible. Ainsi, les « bois pharaoniques », c’est-à-dire les planches des cercueils trouvés dans les fouilles des nécropoles royales, appartiennent, du moins en partie, à des arbres dans lesquels l’examen microscopique a permis de reconnaître avec certitude l’if commun (Taxus baccata). Or, cette espèce ne pousse pas en Égypte, et même ne saurait y pousser « en raison de ses exigences biologiques » ; il fallait donc que ce bois fût importé d’un pays étranger, qui, d’après les données de la géographie botanique, ne peut être que la Cilicie. Voilà donc une preuve positive qu’un certain commerce maritime existait entre l’Égypte et les pays d’outre-mer aux premiers âges historiques[1].

Ce n’est pas tout : les annales nous parlent aussi de voyages lointains accomplis par des explorateurs d’Égypte. Sous le Pharaon Assa, de la cinquième dynastie, c’est-à-dire à une époque de soixante siècles antérieure à nous, un général fameux, Urdudu, avait pénétré dans le pays de Punt, d’où il ramena un nain, un de ces Âkka que nos voyageurs modernes ont redécouverts avec étonnement. Un autre voyageur, envoyé dans les contrées du sud, Khirkuf, poussa plus avant qu’Urdudu, jusque dans la « Terre des Bienheureux » où il prit également un nain ou donka, dont la vue « remplit de joie et d’amour le cœur du Pharaon ». C’est là ce que raconte l’inscription dite de Khirkuf, découverte en 1892 par Schiaparelli sur une colline des environs d’Assuan. Ainsi, des témoignages convaincants établissent qu’il exista des rapports anciens entre l’Égypte et les bords de la Méditerranée ainsi que ceux de la mer Rouge ; de même, des relations fréquentes s’étaient certainement nouées entre les deux centres de civilisation, Memphis et Babylone ; mais on n’a jusqu’à maintenant constaté aucune trace certaine de va-et-vient direct entre l’Égypte et

  1. Beauvisage, Recueil des Travaux relatifs à la Philologie et à l’Archéologie égyptiennes et assyriennes, tome XVIII.