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l’homme et la terre. — égypte

ont gardé l’empreinte reçue pendant les âges pharaoniques. Pratiques ordinaires de la vie, recettes de ménage, superstitions se sont aussi maintenues d’une manière surprenante à travers toutes les révolutions, les changements de régime politique, de religion et même de langue. C’est ainsi que les procédés de l’arpentage des terres ne se sont en rien modifiés depuis le temps des Pharaons jusqu’à la récente domination britannique. Vers 1890, les Anglais ayant eu à procéder au nouveau cadastre de la vallée du Nil, pour fixer l’impôt exactement en proportion de la surface des cultures, constatèrent que les règles d’arpentage suivies actuellement par les paysans égyptiens étaient exactement celles dont les formules, utilisées il y a quatre mille ans, se déchiffrent maintenant sur les papyrus retrouvés dans les tombeaux. Telle de ces règles donne des résultats étonnamment rapprochés des opérations mathématiques exactes employées aujourd’hui[1].

Si l’histoire marche d’un pas lent dans les contrées dont la population est, par suite du milieu de nature, astreinte pendant la succession des siècles à la continuation traditionnelle des mêmes travaux agricoles, elle marche cependant, et, sous la pression des peuples environnants, l’Egypte elle-même ne cessa d’évoluer, tantôt en un mouvement de progrès, tantôt régressivement. Toujours par suite de la fascination qu’exercent sur la postérité les dires des auteurs grecs, c’était encore hier un axiome d’histoire que l’Egypte ne s’était pas ouverte au commerce international avant l’époque du premier Psamitik, c’est-à-dire il y a de vingt cinq à vingt-six siècles. Mais les témoignages historiques abondent pour nous prouver que, bien auparavant et à diverses reprises, les alternatives des événements et la puissance des intérêts en jeu avaient mis l’Egypte en relations régulières avec ses voisins, et d’ailleurs, les origines mêmes de la nation peuvent-elles se concevoir autrement que par l’arrivée d’étrangers du nord et du midi s’établissant dans la vallée du Nil, alors marécageuse et forestière, pour en conquérir graduellement le sol et le mettre en défense contre les retours du fleuve, à la fois désirés et redoutés.

Les tombeaux des premiers rois contiennent, en grand nombre, des

  1. H. Brugsch, Aus dem Morgenlande, pp. 25 et suiv.