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l’homme et la terre. — égypte

rement des colonnes de style différent continuèrent à être mployées. Si le bois fut pour quelque chose dans l’architecture des Egyptiens, la richesse et la beauté des pierres qui se dressent nues à l’orient et à l’occident de la vallée contribuèrent plus encore à la splendeur des temples : les falaises environnantes étaient autant de modèles pour les architectes. Les admirables roches des monts égyptiens avaient tenu en réserve, pour ainsi dire, la merveilleuse architecture du monde nilotique ; les granits de Silsileh, celui qui prit le nom de « syénite », les porphyres et les serpentines donnèrent aux riverains du fleuve les matériaux superbes de leurs temples, tandis que les calcaires de Mokattam, de Ptolemaïs, compactes ou nummulitiques, si faciles à travailler, fournissaient les blocs de pierre pour les pyramides, les constructions moins somptueuses et les blocages.

Quelques-uns des temples présentaient des proportions superbes par la hauteur de leurs pylônes et de leurs colonnades, mais les édifices, maîtres de l’espace, s’étendaient surtout en longueur et en largeur ; en ce pays sans pluie, leur niveau supérieur s’arrêtait aux dalles horizontales des terrasses, parallèles à la grande plaine que parcourt le fleuve. Les monuments égyptiens ont un caractère de majestueuse uniformité, qui ressemble à celui de la contrée, aux grandes lignes régulières fuyant vers l’horizon lointain[1].

Lorsque les Egyptiens élevèrent les monuments grandioses qui nous étonnent par leurs nobles dimensions, mais n’en sont pas moins d’une remarquable simplicité de style, ils avaient acquis déjà des connaissances techniques très étendues, et certains détails de leur œuvre témoignent, plus encore que la construction des pyramides, de leur initiation aux lois astronomiques.

Trois années d’études en Égypte ont persuadé Norman Lockyer que les temples étaient construits en vue de l’observation des étoiles et du soleil ; ils étaient disposés de manière à permettre de noter les positions relatives et de mesurer certains arcs, soit aux solstices, soit aux équinoxes. Ainsi, ayant visité le temple de Karnak en 1891, l’astronome anglais constata qu’un corridor était orienté de telle sorte que, de l’autel, le prêtre vît le soleil au moment de son coucher à l’équinoxe,

  1. Aug. Mattauzzi, Les Facteurs de l’Evolution des Peuples, p. 53.