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l’homme et la terre. — égypte

l’a montré John Herschell, ait déjà connu cette particularité, bien qu’il ne se soit point exprimé en termes rigoureux. En outre, cet angle est à quelques minutes près le même dans une quinzaine des plus importantes pyramides, dont pourtant les longueurs absolues diffèrent toutes entre elles.

Se rappelant que le dieu de la mort, Seth, a son image visible dans Sirius de la constellation du Chien, Mahmud Bey[1] a cherché une corrélation entre l’inclinaison de la face (sud) et l’incidence du rayon de cette étoile à sa culmination ; il a calculé ainsi que la grande pyramide remontait à 8266 ans avant J.-C ; mais il y a contradiction entre un élément astronomique à variation rythmique et la constance d’un angle qui se retrouve en des monuments édifiés à intervalles de plusieurs siècles.

On peut se demander d’ailleurs si ces connaissances étaient bien celles des bâtisseurs égyptiens ou plutôt celles d’architectes venus de la Mésopotamie chaldéenne, à la suite de conquérants ou de migrateurs. On est tout d’abord frappé de ce fait capital que les 67 pyramides comptées par Lepsius en 1842, et dont on ne retrouve plus qu’une quarantaine, sont toutes situées dans la basse Égypte, entre le bassin du Fayum et le collet du delta. A l’exception d’une petite pyramide du début de la première dynastie, découverte par J. de Morgan à Nagada, et dont les faces, parées et ornées de moulures, avaient été noyées dans une enveloppe de maçonnerie, il faut remonter le Nil sur plus de 2 000 kilomètres, jusqu’aux environs de Méroé, pour trouver une centaine d’autres pyramides, plus petites et plus récentes. Tous ces monuments se dressaient dans la région de la vallée la plus voisine des plaines arrosées par le Tigre et l’Euphrate. Si des maîtres étrangers, venus de l’Orient, se sont établis en Égypte, apportant leurs usages et leur civilisation, c’est par cette contrée largement ouverte que dut s’accomplir l’invasion, comme se produisit plus tard celle des Hyksos. Peut-être n’est-il pas téméraire de supposer que les annalistes de l’Égypte se seront gardés d’enregistrer la venue de dynasties étrangères et les auront volontiers remplacées par des énumérations de rois indigènes, mais le peuple aurait eu mémoire d’un autre ordre de choses. Si l’on ne s’est point moqué

  1. l’Age et le Butt des Pyramides lus dans Sirius. — Calcul corrigé par Valère Maes, Note manuscrite.