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l’homme et la terre. — égypte

Enfin des savants se sont imaginé que la grande pyramide et, dans une moindre mesure, les autres constructions de même genre, révélations directes d’en haut, donnaient une forme monumentale aux « vérités » religieuses. D’après l’astronome Piazzi-Smith, qui étudia pendant longtemps les pyramides égyptiennes, celle de Kheops est une « Bible de pierre », construite sous la direction de Melchisedec, un « testament » analogue à ceux qui furent dictés aux voyants et aux apôtres. On trouve non seulement le diamètre de la terre dans la lecture des dimensions des diverses parties, mais encore sa densité, la distance exacte du soleil à la terre et aux planètes, la longueur de l’année en jours et celle de la période précessionnelle en années ; on y lit aussi la date qui séparait la construction de la pyramide de la naissance de Jésus-Christ : 2170 ans, enfin une prophétie annonçant la venue du millenium pour l’année 1882[1].

Un autre astronome, Lagrange, fait siennes des croyances analogues : il professe également que le dieu des Hébreux s’est manifesté par des œuvres inespérées, la Bible et la pyramide de Kheops, car les autres constructions, d’élévation moindre, sont de simples travaux humains, et l’on pourrait même se demander si elles ne sont pas d’impuissantes imitations de l’éternel tentateur. Mais à ces deux manifestations saintes de la volonté céleste, qui, d’après lui, sont la clef de l’histoire et celle de l’avenir, le savant mystique ajoute une autre manifestation, celle d’un géodésien moderne, Bruck[2], dont l’ouvrage offrirait une telle concordance avec la révélation qu’en prenant à la lettre les raisonnements de son interprète, on serait porté à lui attribuer également une inspiration divine[3].

Nous savons pourtant que la « loi de Bruck », d’après laquelle l’histoire de l’humanité serait régulièrement découpée en périodes d’un peu plus de cinq siècles, concordant avec la grande période de déclinaison magnétique, et voyagerait pour ainsi dire de foyer en foyer dans la direction de l’est à l’ouest, se trouve en désaccord avec un grand nombre de faits historiques et géographiques : elle ne peut être admise comme article de foi que par des esprits religieux. Cepen-

  1. M. Piazzi-Smith, Our Inheritance of the great Pyramid. Trad. de l’abbé Moigno : La grande Pyramide, pharaonique de nom, humanitaire de fait
  2. L’Humanité, son Développement, sa Durée.
  3. C. Lagrange, Sur la Concordance entre la Chronologie de la Bible et celle de la grande Pyramide.