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l’homme et la terre. — égypte

auraient pénétré en maîtres dans le territoire égyptien et contribué à former la population nilotique. Les bustes des « rois hyksos » que l’on a trouvés dans les ruines de San, l’ancienne Tanis, avaient été d’abord désignés comme présentant un faciès sémitique et Mariette spécialement les avait décrits comme tels, il attribuait aussi à la population actuelle des bords du lac Menzaleh une apparence sémitique ; mais un examen plus attentif, dit Piètrement, aurait démontré qu’il fallait reconnaître à ces différents types des caractères essentiellement mongols[1].

Quoi qu’il en soit, l’action de l’Asie sur l’Afrique fut si puissante que, même après l’expulsion des Hyksos, à l’époque des Ramessides, les écrivains à la mode se piquaient d’écarter les expressions purement égyptiennes pour les remplacer par des vocables et tournures des langues de l’Asie antérieure. Tous les flatteurs cherchaient à imiter la façon de parler des hauts fonctionnaires sémitiques[2], de même que trois mille ans plus tard, à la cour de France, les courtisans affectaient de jargonner l’italien afin de plaire aux Concini et autres aventuriers d’outre-monts. Précisément à l’époque où la domination arabe se faisait sentir sur l’Egypte, une dynastie de conquérants « cananéens », appartenant probablement à la même nappe d’invasion ethnique, était devenue maîtresse de la Babylonie et y avait introduit ses dieux[3].

Des étrangers vinrent aussi par mer. Outre les Hymiarites, dont les générations successives se propagèrent par les chemins de l’Ethiopie, il se produisit des migrations à travers la mer Rouge, par la route, jadis fréquentée, qui réunit le port de Kosseïr à la grande courbe du Nil. L’histoire mentionne aussi des colonies de Méditerranéens qui s’installèrent dans le delta du Nil. Venaient-ils des côtes de la Cyrénaïque, de la Sicile, de l’Italie, de la Sardaigne, de la Crète ? Il en arriva en tous cas d’Asie Mineure. Les inscriptions égyptiennes mentionnent les navigateurs Kafti, qui dominaient dans les îles de la Méditerranée et qui vendaient des objets d’art analogues à ceux que Schliemann a trouvés dans les fouilles de Mycènes. Ce furent des Asiates, à n’en pas douter, mais non des Phéniciens, dont l’influence fut postérieure : peut-être le siège de leur puissance était-il

  1. Revue d’Ethnographie, t. III, 1884, pp. 369-385.
  2. Brugsch, Aus dem Motgenlande, p. 61.
  3. Hugo Winkler, Die Völker Vorderasiens, pp. 12, 13.