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l’homme et la terre. — égypte

du sol rendait nécessaire l’emploi de ces matériaux. L’origine babylonienne de ce genre d’édifices serait d’autant plus difficile à contester que la forme la plus ancienne de la pyramide d’Egypte, telle qu’elle est encore conservée à Sakkarah, est celle d’un temple à gradins, comme les observatoires de la Chaldée[1].

D’autres indices nous montrent combien les Sumériens de la Mésopotamie, visitant les bords du Nil, 70 ou 80 siècles avant notre génération, eurent d’influence sur les populations d’Egypte : ce sont eux, dit Fr. Hommel, qui dressèrent les Egyptiens au travail des métaux et leur enseignèrent la culture des céréales. Une forte proportion des mots égyptiens de l’ancienne période sont de racine suméro-akkadienne et, dans les deux contrées, la généalogie des anciennes divinités est identique : les noms même se confondent. Plus tard l’écriture cunéiforme des Assyriens pénétra jusque dans les temples et les bibliothèques de l’Egypte, ainsi qu’en témoignent les tablettes trouvées à Tell-el-Amarna, près de Minieh ; à cette époque les cours échangeaient des correspondances régulières des bords du Tigre à ceux du Nil ; pour les rois du moins, le service de la poste était créé.

Mais, quelque grande qu’ait été l’influence babylonienne sur la civilisation de l’Egypte et sur ses procédés scientifiques, les riverains du Nil n’en gardaient pas moins leur originalité. Ainsi la division sexagésimale de la Chaldée, qui fut si importante dans le monde de la science et qui est encore la division la plus usuelle en géographie, ne paraît pas avoir été introduite dans les méthodes ordinaires des arpenteurs et des calculateurs égyptiens. Le « papyrus de Londres », qui date d’environ trente-huit siècles, et la table à calcul de Giseh, étudiée par Brugsch et considérée par lui comme beaucoup plus ancienne, indiquent pour les opérations mathématiques un autre multiplicateur, 320, qui renferme les facteurs deux et cinq mais n’est point divisible par trois[2].

Le pouvoir égyptien, de quelque origine qu’il fût, chercha toujours à se garantir des incursions violentes venant d’Asie et, dans le voisinage des lacs Amers, on maintint longtemps une grande muraille de défense[3] que le roi Snefru, fondateur de la quatrième dynastie,

  1. Fr. Hommel ; — R. Von Ihering, Les Indo-Européens avant l’Histoire, trad. O. de Meulenaere, p. 113.
  2. Aus dem Morgenlande, Die älteste Rechenkunst, pp. 35 et suiv.
  3. Wiedmann, Die Urzeit Ægyptens und seine atteste Bevölkerung.