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l’homme et la terre. — égypte

Erathosthènes et avec des inscriptions hiéroglyphiques, celles des ruines du temple d’Abydos, par exemple. D’ailleurs, il existe des monuments d’architecture sur lesquels un même roi se trouve mentionné, en des contrées distinctes l’une de l’autre, où l’on s’imaginait précisément que des dynasties contemporaines auraient vécu indépendantes[1]. Il n’y a pas le moindre doute que Manéthon ne se soit trompé plus d’une fois, mais les erreurs ne sont pas toutes du même sens. S’il semble logique d’admettre que la 17e dynastie, la première du nouvel empire thébain, était contemporaine des derniers rois pasteurs qu’elle combattit, il est certain que pour la 7e et la 11e, les durées traditionnelles de 70 jours et de 43 ans sont insuffisantes ; les monuments ont révélé l’existence de vingt-deux rois de cette dernière dynastie, dont neuf Entef et six Mentahotep, alors que Manéthon n’en connaissait que seize. Il est donc parfaitement rationnel d’accorder une valeur historique à la succession des divers personnages royaux énumérés par Manéthon ; ils auraient occupé le trône pendant une période cinquante ou soixante fois séculaire, et Menés serait devenu roi 5 833 ans avant l’ère vulgaire des chrétiens[2].

Cette période, si longue qu’elle soit en comparaison de la durée du genre humain d’après les légendes juives, est évidemment bien peu de chose dans l’évolution d’un peuple qui en était arrivé à un degré très élevé de civilisation et qui cependant avait vécu longtemps sous la domination des prêtres dans un âge de développement fort lent, parfois stationnaire ou même régressif. Aussi les fastes égyptiens admettent-ils qu’avant les dynasties humaines, plusieurs milliers d’années de protohistoire se passèrent sous le règne des héros et des dieux.

Un précieux document, dit « papyrus de Turin », d’après la bibliothèque où il est conservé, divise ces temps de l’ancienne Égypte en trois périodes comprenant ensemble plus de dix mille années et symbolisant sans doute dans la pensée des annalistes égyptiens la puissance des forces primitives de la terre et du ciel. Les sept grands dieux, figurés par les sept astres par excellence, auraient régné les premiers, puis seraient venus les douze dieux présidant aux douze mois et les trente demi-dieux correspondant aux trente jours du mois ; la domi-

  1. Ernest Renan, Mélanges d’Histoire et de Voyages, pp. 32 et suivantes.
  2. G. Rodier, Antiquité des Races humaines, p. 11.