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l’homme et la terre. — phénicie

pellation d’ « Asie » le royaume de Pergame, composé de la Mysie et de la Troade. Dans l’antiquité, le symbole le plus saisissant de cette fusion des éléments ethniques et des civilisations de l’Asie et de l’Europe nous est fourni par l’histoire du Perse Cyrus le Jeune, devenu satrape des principales provinces de l’Asie Mineure. Ce fut pourtant un véritable Grec par la culture de l’esprit, et il fit appel à la vaillance des Spartiates, au génie des Athéniens pour tenter la constitution d’un empire gréco-asiatique. Depuis ce conflit, qui eut lieu il y a vingt-trois siècles, combien de luttes entre-choquèrent l’Europe et l’Asie sur les mêmes champs de bataille !

Le manque d’unité politique dans les contrées riveraines des deux mers, au sud et au nord de la Péninsule, se présentait en beaucoup d’endroits sous forme de morcellement absolu, par suite du manque de communications faciles. Telle vallée de la Pamphylie ou de la Lycie, telle presqu’ile de la Carie constituait un petit monde distinct formant une seigneurie ou une république autonome ne se rattachant à ses voisines que par des traités d’alliance ou par le lien féodal des hommages et des tributs. Lors de la constitution des grands empires assyrien, persan, macédonien, qui soumettaient les populations les plus disparates à l’union apparente de la sujétion commune, tous ces petits Etats secondaires en étaient quittes par le paiement d’impôts, aggravés dans les grandes circonstances par l’envoi de gens de guerre ; puis, après la tempête, ils se retrouvaient dans une situation d’indépendance peu différente de leur ancienne condition : la nature même le voulait ainsi.

Il est curieux de constater qu’avant le deuxième siècle de l’ère vulgaire, l’Asie Mineure ne se trouva jamais sous une domination unique. Ni les Hittites, ni les Perses ni même Alexandre et ses successeurs ne semblent avoir franchi l’Iris ; les Romains ne subjuguèrent la Cappadoce que sous Trajan. Au déclin de l’empire de Bysance, le même fait se reproduisit : la domination arabe ne dépassa pas le Taurus, et les Turcs, pénétrant par l’Arménie, conquirent le plateau Anatolien des siècles avant de posséder la Cilicie : Constantinople fut pris avant Tarsus[1].

Il semble que, d’une manière générale, les deux rivages péninsu-

  1. W.-M. Ramsay, Geographical Journal, 1903.