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l’homme et la terre. — palestine

habité une île du golfe Persique avant d’émigrer vers la côte de Syrie. Quelques savants ont pensé identifier cette île avec Bahreïn, mais d’autres l’ont trouvée dans une terre voisine des bouches du Tigre et de l’Euphrate que les alluvions des fleuves jumeaux ont maintenant rattachée au littoral persan[1], le tertre de Dilman, site de l’antique Dilmun, Tilvun ou Tylos. Cette terre sacrée servait d’entrepôt maritime aux populations de la Mésopotamie : c’est de Tilvun que s’élança le « dieu poisson » pour conduire l’arche de salut à travers les eaux du déluge. Au sud de Dilman, à Bender Buchir, l’ancienne Layan, des ruines élamites, datant du règne de Chilkak in Chuchinak, témoignent de l’intérêt que prirent les habitants de la Susiane aux choses de la mer ; toute cette région du littoral persique appartenait au domaine de la civilisation chaldéenne. Sur la côte arabique, en face de l’île de Bahreïn ou dans le voisinage, s’éleva plus tard la ville de Gerrha, où les marchands venus de la Syrie et de l’Egypte se rencontraient avec ceux du pays des Hymiarites : deux voies commerciales de première importance traversaient la péninsule d’Arabie dans toute sa largeur pour se rencontrer en ce lieu prédestiné.

Le territoire d’Oman est en réalité une île ; au nord, il affronte une mer plus large, plus ouverte et plus dangereuse que le golfe Persique, au sud, il s’adosse à l’infranchissable Dahna, il garda donc de tous temps son indépendance de culture ; même à l’heure actuelle, on y parle une langue qui semble n’avoir aucune analogie avec l’arabe[2] ; néanmoins, il ne resta pas isolé : par les sentiers du littoral, par la navigation côtière, il se rattacha au monde chaldéen et vécut d’une civilisation analogue.

Sur leur développement de plus de 2 000 kilomètres, les rives orientales de la mer Rouge, du golfe d’Akabah au détroit de l’entrée, sont loin d’offrir dans leur ensemble un littoral aussi favorisé que Bahreïn et d’autres îles du golfe Persique ; toutefois, le fait seul que, de distance en distance, des escales y servaient au trafic avec les tribus et nations de l’intérieur donnait à cette côte une importance

  1. J. Oppert et E. H. Bunbury, History of Ancient Geography, I, p. 461, contre J. de Morgan et autres.
  2. 2. André Joannin, Bulletin du Comité de l’Asie française, 1903, p. 426.