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pérégrinations du dieu des juifs

peuple d’Israël était resté enfermé dans son étroit domaine conquis sur les Cananéens. Mais bien longtemps avant que les dispersion des Juifs eût été ordonnée par les rois d’Assyrie, ils s’étaient répandus par individus, par familles et même par essaims considérables dans tous les pays riverains de la Méditerranée. Grâce au commerce phénicien, véhicule de l’élément judaïque, celui-ci s’était insinué dans tous les pays du monde appartenant à la civilisation occidentale. De même que les autres nations de la Syrie, les Juifs étaient entrés par multitudes dans la clientèle des riches négociants phéniciens et, de génération en génération, une forte proportion de ces clients avait suivi les aventureux marchands dans les comptoirs étrangers : les uns de plein gré, les autres comme esclaves et captifs avaient « émigré » dans les pays lointains et constitué partout de petites communautés israélites, qui devaient, dans les périodes décisives, recevoir le contre-coup des événements survenus dans la mère-patrie. Les paroles prononcées en Judée se répercutèrent en longs échos dans les mille Judées secondaires qui lui servaient comme d’une immense table d’harmonie. Toutes les conditions se trouvaient réunies pour favoriser le développement du cycle nouveau dans l’histoire de l’humanité.

Des plaines de la Babylonie, des monts et des vallées syriennes aux étendues de la péninsule arabe, les transitions du relief sont insensibles et l’on ne pourrait indiquer de limites précises ; néanmoins, l’Arabie est dans son ensemble une individualité géographique des plus distinctes. A travers cet isthme d’un millier de kilomètres en largeur qui rattache la presqu’île au continent, entre la mer Persique et le golfe d’Akabah, la ligne de séparation naturelle est indiquée par la limite des eaux vives. Là où les sources se perdent en des bassins d’évaporation, où tarissent les dernières rigoles d’arrosement et où les ouadi ne roulent que rarement leur flot sauvage, là commence l’Arabie. Un hémicycle sinueux développant sa convexité vers le nord autour du désert d’Ech-Cham est une frontière réelle, plus difficile à franchir pour des armées que bien des chaînes de montagnes.

Toutefois l’unité de l’Arabie, parmi les autres contrées de la terre, est purement géographique : aussi massive que l’Afrique dans ses con-