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pays de montagnes

nombreux, ils se composent d’autant de clans distincts qu’il y a de vallées ; leur disjonction avait été dessinée d’avance dans la structure de la montagne. Ils furent souvent pillards, mais non conquérants. Toutes les guerres dans lesquelles les vies des nations entières se trouvent engagées se sont déroulées dans les plaines[1].

D’ailleurs, chaque massif de montagnes est, à part soi, un si vaste ensemble,
(Société de géographie.)
atalaya : village de troglodytes
(gran-canaria)
offrant comme un résumé de la Terre entière, que l’on y trouve tous les contrastes provenant de la différence des altitudes, des terrains, des pentes, des calories. Les groupes d’habitants se forment naturellement en raison du climat, de l’exposition, du sol, à moins d’une cause spéciale d’attraction, telle que des mines ou des carrières. Les villages s’abritent contre le froid ou contre la chaleur des pentes calcinées ; ils fuient la roche nue ou trop escarpée et recherchent les conques gracieuses, arrosées et défendues par des ceintures de roches. En certaines contrées, en Ethiopie par exemple, les coupures de séparation formées par les ravins et les cluses sont tellement profondes qu’elles sont pratiquement infranchissables et limitent les royaumes. Le volcan Kilimandjaro n’a pas moins de 83 États indépendants sur un espace de 800 kilomètres carrés, qu’habitent soixante mille individus environ : les limites naturelles formées par les profondes barranques de la montagne ont parqué les populations comme des troupeaux de brebis.[2]

En de grandes vallées, comme celles du Rhône supérieur, on

  1. R. von Ihering, Les Indo-Européens avant l’Histoire.
  2. Hans Meyer, Kilimandjaro, p. 235.