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sécheresse et humidité

qu’on les voit de plus près ; car, en dépit du raisonnement, le regard, logique à sa manière, ne peut s’empêcher de prendre d’abord les échasses pour des prolongements vrais des jambes, dont ce que l’on croit être les genoux se courbent en arrière et non en avant, comme chez les autres mortels. Le grand bâton que manient les Lanusquets avec une adresse excessive, et qui leur sert à l’occasion de balancier, de bras ou d’appui, contribue à l’étrangeté de leur aspect : on dirait de gigantesques sauterelles.
landescot
En quelques districts non encore transformés en forêts par les semis, tous les habitants pratiquent les échasses : les enfants eux-mêmes ne craignent pas de se hasarder sur les chanques paternelles, et souvent on aperçoit au-dessus de la bruyère des femmes, presque toujours vêtues de noir, qui ressemblent à de grands corbeaux perchés sur des branches séchées.

La montagne est, parmi les milieux distincts que présente la Terre, un de ceux qui, par son ensemble de conditions physiques, détermine avec le plus de force chez ses habitants un caractère particulier, des habitudes et des mœurs propres d’une singulière et frappante originalité. Ces monts, dressés en murailles au-dessus des plaines, contrastent brusquement avec les déserts et les steppes qui sollicitent l’homme au libre parcours, au déplacement dans un espace illimité. Le monde semble complètement fermé par ces brusques remparts, et souvent, en effet, la limite est aussi nette qu’elle le paraît, marquée soudain par les escarpements des roches qui forment la racine de la montagne. Les populations se pressent à la base, nombreuses, actives, pleines de vie, comme l’eau d’un lac qui vient battre le pied des falaises ; puis, immédiatement au-dessus, commencent les âpres rocailles, les espaces nus et raboteux, évités par l’homme.