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l’homme et la terre. — milieux telluriques

buée un milieu favorable pour le développement des moustiques et d’autres insectes, buveurs de sang et porteurs de microbes, n’ont jamais manqué de faire perdre courage aux mineurs. D’ailleurs, il est certain que les ouvriers de demain, mieux outillés que ceux d’hier, mieux avertis au point de vue scientifique, plus habiles à combattre les fléaux, sauront s’établir triomphalement aux lieux mêmes d’où leurs devanciers se sont enfuis.

L’humidité du sol, en mainte contrée où l’humidité de l’air n’est pas suffisante pour empêcher le séjour de l’homme, met l’interdit sur le pays. C’est ainsi qu’en Irlande les quaking bogs ou « tourbières tremblantes » et, en tant de régions du Nouveau Monde, les tremendales et tembladeras sont évités avec soin par les voyageurs et ne peuvent être mis en culture qu’après un long assèchement du sol.

Récemment encore, l’intérieur de la grande île de Terre-Neuve était resté pays inconnu, bien que les villes et les villages se succèdent sur une partie du littoral, au bord des baies poissonneuses et des havres abrités. On comptait les aventuriers audacieux qui s’étaient hasardés à faire des voyages d’exploration d’une rive à l’autre, à travers les rochers, les petits lacs, les mares, les marais, et les fourrés de conifères nains, tellement entremêlés qu’il est impossible de marcher sur le sol : on ne peut cheminer que sur la forêt même, formant un lacis compact de branches inégales où le voyageur trouve péniblement son équilibre. Pour rendre la contrée accessible, il a fallu l’ouvrir à grands frais par des routes et des chemins de fer, où, pendant les tourmentes hivernales, les voyageurs risquent d’être bloqués par les neiges.

Parmi les régions qui sembleraient inhabitables à la plupart des hommes, mais qui, pourtant habitées, donnent à leurs résidants un genre de vie tout à fait à part, il faut citer la partie lacustre du haut Nil, où le fleuve, arrêté par la berge dite le « Joug des rivières », formait naguère, pendant la saison des crues, un lac de dimensions variables, parsemé de sedd ou grandes îles d’herbes.

Vivant, sinon dans l’eau, du moins sur les rives marécageuses ou dans les sedd à demi consolidés, les nègres Denka, et spécialement celle de leurs tribus que l’on connaît sous le nom de Nuêr, sont tournés en ridicule par tous leurs voisins à cause de leurs attitudes d’oiseaux pêcheurs. Très grands, aux jambes longues et maigres, ils ont reçu le