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l’homme et la terre. — milieux telluriques

habitants ou presque désertes, comprenant le Gobi, la Kachgarie, le désert de Kirman, l’Arabie, le Sahara ; même le Cearà, dans le territoire du Nouveau Monde, se trouve parfois englobé dans le domaine de l’atmosphère trop sèche, malgré le voisinage de l’Atlantique, et les habitants sont obligés d’émigrer temporairement vers l’Amazonie. Dans l’espace d’environ douze millions de kilomètres carrés que comprend la zone déserte de l’Ancien Monde avec les oasis intermédiaires, la population atteint seulement un million d’individus, cent vingt fois moins que la moyenne des continents.

Les Innuit, que nous avons pris pour type des populations soumises à l’action du climat le plus âpre, ne sont certainement pas des « primitifs » au point de vue de la race, car, durant l’infini des siècles de croissance, les milieux ont continuellement changé ; mais, en comparaison des peuplades diverses de la zone tropicale, ces habitants du « Grand Nord » peuvent être considérés comme aborigènes, « issus du sol » pour ainsi dire. Au contraire, les groupes ethniques les plus isolés des régions torrides, les Touareg du Sahara, par exemple, ou les Nubiens, les Bedja, les Danakil ou les Somal, riverains du littoral ardent de la mer Rouge et de l’océan des Indes, sont des populations déjà très mélangées, qui, depuis de longs siècles, appartiennent au monde historique.

Par leurs aïeux, ils furent en relations fréquentes avec l’Inde, l’Egypte et la Phénicie, ils firent partie du domaine de la civilisation hymiarite ; Méroé, sur le haut Nil, fut une de leurs capitales et un centre de grande culture ; depuis au moins trente-six centaines d’années, ils connaissent le bronze et le fer, puisque, dans un temple de Thèbes, des peintures murales représentent des Punt ou Somal portant des armes semblables à celles dont ils se servent aujourd’hui. Après la naissance des religions modernes, les Bedja se convertirent au christianisme, puis au mahométisme ; les Danakil et les Somal sont même croisés d’Arabes et se disent avec confiance les compatriotes du prophète, aussi bien que les fidèles de son dieu ; quelques-uns prétendent appartenir à la famille même de Mahomet. Cependant ces peuples, qui ont été modifiés si diversement, peuvent, à l’égal des Eskimaux, se présenter comme des exemples typiques de l’action du climat.

On constate d’abord combien ces gens du littoral torride, qu’ils