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l’homme et la terre. — milieux telluriques

Après ces rites lugubres, on jeûne longtemps, tous observent le silence, et, quand on reprend les conversations et les discours, on évite toute combinaison de syllabes qui puisse rappeler le nom du mort. Malgré ces drames, que la menace de la famine rend inévitables, il n’est pas de populations que la nécessité absolue de l’aide mutuelle rende plus solidaires que les Eskimaux. Très causeurs, faciles aux confidences, ils se visitent de hutte à hutte et de village à village ; quand ils sont pourvus suffisamment de nourriture et que la chasse ou la pêche ne prend pas tout leur temps, ils se lancent volontiers en des voyages de plusieurs centaines de kilomètres pour aller voir des amis. Tout étranger a droit à l’abri de leur iglou. Cette bonté naturelle, cet esprit de parfaite solidarité, qui portent l’homme vers l’homme, sont de règle chez les Aléoutes et les Grœnlandais.

Nos ancêtres, pendant la période gréco-romaine et au moyen âge, s’imaginaient que la chaleur était trop forte dans la région tropicale pour laisser vivre les hommes : on se répétait que le climat, vraiment « torride », était assez brûlant pour les rôtir, et la couleur des Africains semblait indiquer, en effet, un commencement de cuisson. Les grands voyages de découverte entrepris par les Gama, les Colomb, les Magellan, deux mille ans après la circumnavigation de l’Afrique par les Phéniciens de Nechao, prouvèrent qu’il n’en est pas ainsi, et que l’homme peut habiter et vivre sur les terres éclairées par le soleil zénithal. La chaleur n’oppose donc pas, comme le froid, un obstacle infranchissable à l’extension de la race humaine, ou plutôt l’extrême des hautes températures, qui rendrait le milieu insupportable à l’homme, ne se présente pas sur la planète terrestre. La carte des lignes isothermiques offre des enclaves climatiques où la température moyenne dépasse 30 degrés, en maintes contrées, les chaleurs estivales s’élèvent fréquemment, ou même régulièrement, à une quarantaine de degrés, et parfois, là où l’ardeur du soleil est réverbérée par les roches ou les sables, le thermomètre indique, même à l’ombre, comme un souffle d’incendie qui semble intolérable, mais que l’homme habitué supporte néanmoins sans être atteint dans ses œuvres vives.

S’il est de vastes étendues, dans la zone torride, presque ou même complètement inhabitées, la cause n’en est point à un excès de chaleur, mais soit à une surabondance de vapeur d’eau, soit, plus fré-