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froidure et neige

accède par un étroit couloir où l’on s’introduit en rampant, est entièrement construite de neige, et là,
harpons des eskimaux
pendant plusieurs mois d’hiver, séjournent jusqu’à dix familles, débarrassées de tout vêtement, sans autre feu que celui de la lampe, dans une atmosphère étouffante et devenue graduellement horrible par l’accumulation des immondices. Il semble impossible que l’homme vive en un pareil milieu, mais à quoi ne réussit-on pas à s’habituer ? Des traitants de pelleterie, des missionnaires, tels que Petitot, ont vécu pendant des mois en ces horribles tanières[1].

Quand ces prisonniers sont libérés par le soleil d’été, ils éventrent l’iglou, le démo lissent, et bientôt la fusion de la neige en a fait disparaître les ignobles débris.

Naturellement, le climat défendait jadis à l’Innuit toute agriculture, péniblement introduite depuis dans quelques jardins : les naturels n’ont d’autre nourriture végétale que des baies, telles que myrtilles et framboises, et, sur la terre ferme, la « tripe de roche », lichen d’un goût amer ; ils mangent aussi, en manière de légumes, les matières vertes, non digérées, qu’ils trouvent dans les intestins des rennes.

Presque toute la nourriture des Innuit est animale, obtenue soit par l’élève du bétail, soit par la chasse ou la pêche. Les Tchuktchi de l’intérieur ont de grands troupeaux de rennes ; les Eskimaux du Labrador vivent principalement de la chasse, et ceux de la Terre de Baffin sont fréquemment obligés, pendant des semaines entières, de poursuivre seulement le gibier

  1. Quinze Ans sous le Cercle polaire.