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l’homme et la terre. — milieux telluriques

les mœurs du phoque, alternant de longues paresses à une activité forcée.
pagaie et harpons
des eskimaux
Amplement vêtu à l’extérieur, l’Eskimau doit également se capitonner à l’intérieur par un amas de nourriture dont la plupart des Européens n’ont aucune idée. On parle de 10, 12, 14 kilogrammes de graisse, d’huile, de viandes englouties, entonnées, sans discontinuité de repas, par un seul Innuit ou « Mange-Cru » — tel est le sens du nom « Eskimaux » donné par les Algonquins à leurs voisins du nord — ; mais ces prodigieuses ripailles sont fréquemment compensées par des jeûnes très longs et d’ailleurs moins dangereux pour la santé[1].

Chez les Innuit du Lahrador, la grande épreuve des jeunes gens, l’examen final qui devait leur permettre d’entrer dans la compagnie des hommes faits, était un jeûne de plusieurs jours : ample, succulente, la nourriture était à portée de leurs mains ; ils n’y touchaient point, préférant défaillir. La forme des demeures, de même que le vêtement et la nourriture, est commandée par les conditions du milieu. En certains endroits, notamment dans le Groenland méridional, les arbres de dérive apportés par le courant permettaient d’employer le bois dans la construction des huttes ; ailleurs, dans le Groenland oriental, on utilisa les pierres ; mais l’impérieux climat oblige les constructeurs à boiser ou à maçonner leur iglou dans la profondeur du sol : les parois sont formées de mottes gazonnées, de lits de mousse revêtus extérieurement de neige battue. En mainte région du pays eskimau septentrional, la hutte ronde, à laquelle on

  1. Elie Reclus, Les Primitifs, p. 31 ; passim.