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l’homme et la terre. — milieux telluriques

sol, le climat, le genre de travail et de nourriture, les relations de sang et d’alliance, le mode de groupement, voilà des faits primordiaux ayant leur part d’influence dans l’histoire de chaque homme, aussi bien que de chaque animal : tandis que le salaire, le patronage, le commerce, la circonscription d’Etat sont des fait secondaires auxquels les sociétés ne furent point soumises dans les temps primitifs. Il est vrai que, souventes fois, la part artificielle de l’existence prime chez les individus les conditions naturelles de la vie, néanmoins, une classification ayant un caractère général doit certainement placer au premier rang le milieu d’origine qui exerça l’action déterminante sur les populations primitives. Il faut étudier d’abord le milieu statique, puis s’enquérir du milieu dynamique.

Comme élément primordial, il convient évidemment de placer en tête les phénomènes de la température, avec ses écarts considérables, parfois également mortels, de l’extrême froid et de l’extrême chaleur, et leur action directe : l’assèchement du sol ou la production d’humidité. Les cartes statistiques sont là pour démontrer avec une clarté parfaite que le climat répartit les hommes sur la surface du globe, les groupant en masses pressées dans les régions tempérées, pourvu qu’elles soient suffisamment arrosées, et dans celles de la zone tropicale, raréfiant, au contraire, les habitants dans les terres glacées, et même faisant le vide absolu en des espaces trop froids pour que l’homme puisse y maintenir sa chaleur vitale.

D’une manière générale, la densité kilométrique des hommes, c’est-à-dire le nombre moyen des habitants par kilomètre carré, reproduit par ses contrastes les contrastes mêmes du climat : du côté, des pôles la ligne isothermique de zéro coïncide presque exactement avec la limite d’habitabilité que la nature a tracée au genre humain. Presque toutes les îles impeuplées du nord se trouvent dans les parages polaires ou subpolaires, sous l’âpre climat des brouillards et des bruines, des neiges et des glaces : d’instinct, les populations émigrantes, refoulées par des révolutions terrestres ou par d’autres hommes, ont reculé devant ces terribles régions, ont péri même sans avoir eu le temps de s’accommoder à ce trop âpre milieu, où cependant quelques sites exceptionnels, revêtus d’une couche d’engrais par des millions de palmipèdes, ont une flore rapidement éclose de graminées atteignant jus-