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l’homme et la terre. — potamie

La première forme des caractères tracés, estampés ou gravés sur les divers matériaux conservés dans les bibliothèques des cités chaldéennes fut certainement une reproduction idéelle des objets, analogue aux hiéroglyphes. Aussi longtemps que ce mode d’écriture servit pour la traduction des idées aux seuls individus, prêtres, fonctionnaires ou autres, appartenant à une même nation et parlant la même langue, il ne parut pas nécessaire d’en changer ; mais on dut s’apercevoir bientôt que de peuple à peuple, d’Akkadiens à Sémites, la traduction des figures se faisait en chaque langue par des mots différents et que la reproduction parlée des noms propres et des formes liturgiques devenait par cela même impossible ; il fallut donc ajouter aux hiéroglyphes des signes complémentaires pour exprimer soit des syllabes, soit des lettres, ou même substituer à l’ancienne écriture un nouveau mode de figuration entièrement syllabique ou alphabétique. Ce sont en effet des modifications qui s’introduisirent successivement dans les caractères chaldéens pendant les siècles postérieurs à la civilisation akkadienne, à travers les âges babylonniens, assyriens et persans.

Les matériaux employés comme tablettes et les modes d’écriture changèrent aussi pendant le cours du temps. Peut-être dessina-t-on ou peignit-on les lettres sur le bois ; en tout cas, il fut un temps où on les imprimait sur l’argile fraîche, et Loftus trouva dans les fouilles d’Uruk deux tablettes portant la même inscription, l’une estampée, l’autre burinée[1]. C’est la dernière méthode qui l’emporta, et presque tous les documents écrits de ces époques anciennes que possèdent nos musées portent des caractères graves en forme de clous par des styles ayant mordu profondément dans la brique dure. Ici encore ce sont les matériaux qui déterminent le mode d’exécution : l’écriture des Babyloniens prit cette bizarre apparence cunéiforme parce que la brique était le seul objet commode que l’on eût sous la main et parce qu’il aurait été difficile d’y graver des courbes, l’entaille la plus commode à faire étant un trait ferme et droit s’arrêtant brusquement dans la pâte.

C’est par des merveilles de recherches, de savante industrie et d’ingéniosité que les Grotefend, les Rawlinson, les Oppert, les Smith et autres ont réussi à déchiffrer les inscriptions cunéiformes des Akkadiens et des Assyriens, des Mèdes et des Perses, et le mérite de ces

  1. Loftus ; Fr. Kaulen, Assyrien und Babylonien, pp. 89 et 108.