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l’homme et la terre. — potamie

d’une muraille et de son fossé coupant en entier la presqu’île sur une largeur de plus de 100 kilomètres entre les deux fleuves. A l’intérieur de l’espace urbain et de ses campagnes, assez vastes pour fournir la nourriture des habitants pendant le siège, d’autres enceintes se développaient parallèlement à celles du dehors et rendaient la ville absolument imprenable : en effet, elle ne fut jamais occupée que par trahison ou par suite de l’insouciance absolue des habitants qui, trop sûrs de l’impossibilité d’une attaque, ne veillaient pas du côté du fleuve. Assurés contre l’ennemi du dehors par les murs prodigieux de Babylone, les rois étaient également garantis contre toute attaque de leurs sujets par la citadelle intérieure qui tenait les deux bords du fleuve et qui, par un tunnel, pouvait lancer sa garnison tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre des deux rives. Certes, Babylone, pas plus que les autres cités, ne put éviter son destin ; mais les annales ne citent aucun soulèvement du peuple, et, pendant des siècles, les ennemis étrangers vinrent se heurter contre ses murs. Tout cela fut l’œuvre de la brique. Ainsi que le dit von Ihering : « La brique est la pierre angulaire du monde babylonien ».

L’art de bâtir et de creuser, avec ses conséquences scientifiques si importantes, mesure du sol, c’est-à-dire géométrie, et mesure du temps réglée par les heures de travail et les jours de repos, trouva son complément dans l’art de la navigation, non moins créateur dans les annales du savoir, puisque les connaissances astronomiques lui sont dues presque entièrement.

A l’époque où l’on s’imaginait volontiers que chaque nation, créée spécialement par un Dieu pour un destin particulier, naissait avec des qualités originales indépendantes du milieu, on se bornait à dire que les Chaldéens étaient devenus plus habiles que tous les autres peuples dans l’art d’observer les étoiles. Puis, quand on éprouva le besoin de chercher la raison de ce remarquable privilège, on voulut la trouver dans l’état social des populations chaldéennes : on se plaisait à dire que les pâtres de la région des fleuves, passant la nuit sous un ciel clair et souvent tiède, à côté de leurs troupeaux, avaient des occasions nombreuses d’étudier la calotte céleste, et qu’ils en avaient profité pour y lire les signes indicateurs du changement des saisons.

Mais l’argument n’est pas d’accord avec la vérité historique :