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l’homme et la terre. — potamie

eaux de la Kerkha irriguaient les environs de Suse dès l’époque de Karibu, grâce à de vastes réseaux dont on retrouve les traces « non seulement dans les textes mais aussi sur le sol »[1]. Le mur médique était probablement la berge d’un canal[2]. Le Didjeil empruntait l’eau du Tigre pour arroser la rive droite. Mais le plus prodigieux travail d’irrigation entrepris par les Chaldéens est celui qui fournissait d’eau 12 000 kilomètres carrés sur la rive gauche du Tigre, passant alors à l’occident d’Opis, et assurait ainsi l’existence de plusieurs millions d’hommes. La branche maîtresse en était le canal de Nahrwan « le Nourricier, qui se développait sur 400 kilomètres en longueur, dont 70, de Dura à la traversée de l’Adhim, taillés dans le conglomérat. La section était telle qu’à cette époque où les montagnes boisées de l’Azerbeïdjan et du Zagros assuraient au fleuve un débit plus élevé — l’Euphrate ne déborde plus comme au temps de Strabon —, le Tigre tout entier pouvait être diverti dans le chenal artificiel. Les barrages et prises d’eau, les régulateurs, la sage répartition des courants dénotent une grande maîtrise des connaissances hydrauliques.

L’irrigation remplit son but pendant des milliers d’années ; Nabuchodonosor fit réparer le barrage de Dura que, plus tard, les troupes d’Alexandre détruisirent en partie. Les Persans Sassanides, puis les Arabes Abbassides entretinrent le système d’irrigation, sans toutefois pouvoir parer aux envasements croissants : le Tigre, changeant de lit, détruisit « le Nourricier » à l’est d’Opis et rendit la contrée déserte.

Les animaux domestiques que l’homme possède actuellement pour compagnons dans la Mésopotamie étaient déjà liés à sa fortune lors des plus anciens temps historiques, et même le premier chapitre de la Genèse (vers. 24, etc.) mentionne les bêtes apprivoisées comme l’ayant été de tout temps. Le cheval était au nombre de ces associés de l’agriculteur dans le Pays des Fleuves, mais le nom qu’on lui donnait en akkad, paikurra, ou « chargeur de l’Orient », prouve que cet animal avait été domestiqué sur les plateaux de l’est[3], peut-être dans les steppes que parcourt encore aujourd’hui l’Equus Prejvalskiy, capturé par Groum Grjmailo et par Klementz[4]. Les fameuses campagnes « niséennes » qui nourrissaient les plus beaux chevaux de la Perse

  1. J. de Morgan, Travaux de la Délégation en Perse.
  2. W. Willocks, Ancient Irrigation Works on the Tigris.
  3. Fr. Lenormant, Les premières Civilisations.
  4. Geographical Journal, June 1896, p. 657.