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l’homme et la terre. — potamie

où les annales chaldéennes parlent de ces gênants voisins, la sémitisation des habitants était déjà faite ; des tribus de langue apparentée à celle des Kabires s’étaient établies en maîtres et à demeure dans le pays. D’où proviennent donc ces peuples de Sem qui constituaient le grand empire de Ninive et de Babylone ? Peut-être la question est-elle insoluble, en ce sens qu’on ignore si les Sémites constituent réellement une race unique, ou bien s’ils proviennent de souches différentes, car rien ne permet d’affirmer que les Assyriens du haut Tigre, par exemple, et les Arabes de la mer Rouge et de l’extrême Arabie ont les mêmes ancêtres. Mais en admettant que le groupement des nations soit au point de vue généalogique ce qu’il est actuellement au point de vue de la parenté des langages, on a le droit de se demander d’où sont venus en Mésopotamie les élément les plus actifs de peuplement et de rénovation. D’après Sprenger, les Arabes seraient les Sémites par excellence et c’est de leur péninsule qu’auraient successivement émigré les diverses peuplades desquelles seraient issus Assyriens et Chaldéens, Phéniciens et Juifs : il voit dans tous les représentants de la race « autant de sédiments arabes séparés couche après couche »[1]. Renan, Schrader, Gesenius, de Sarzec exposent en d’autres termes la même hypothèse.

Toutefois, on peut se demander également si le gros des nations sémitiques ne descend pas de la région des avant-monts et peut-être des montagnes d’Arménie au nord des plaines que, parcourent les grands fleuves : n’est-il pas naturel de chercher un centre de nativité humaine dans un pays riche en sources, en terrains fertiles, en plantes, en animaux, plutôt que dans l’aride désert où l’homme a si grand peine à soutenir son existence ? On a même hasardé une étymologie du nom de Sem d’après laquelle cette appellation serait, due au pays de Sim, partie orientale du Taurus arménien, qui est réellement habité par des Sémites migrateurs. Cette filiation de termes n’est peut-être pas justifiée, car l’explication ordinaire qui voit dans le nom de Sémites, comme dans celui de tant d’autres peuples, l’effet d’un orgueil collectif de nation est également plausible ; en vertu de cette interprétation, les Sémites seraient les gens de la « gloire »[2], les hommes par excellence, brillant parmi tous les autres comme les meilleurs, les plus

  1. Die alte Géographie Arabiens, p. 293.
  2. Genesius, Bohlen, F. Lenormant, etc.