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l’homme et la terre. — potamie

tuaire, et aux marins proprement dits comme un parvis, une antichambre de l’Océan. Ainsi, grâce à la mer, grâce aux fleuves qui s’y déversent, l’aire géographique du monde que connaissaient les hommes civilisés devait déjà être considérable au commencement de l’histoire chaldéenne.

La nomenclature des noms de pays gravés sur le socle des statues de Sirpula nous révèle l’étendue des contrées d’où les vaisseaux importaient les matériaux de toute espèce, métaux, bois et pierres, pour la construction et l’embellissement de la ville : l’Egypte à l’occident, le plateau d’Elam à l’orient étaient bien connus des marchands de cette région, il y a près de 50 siècles[1]. Il est probable qu’à l’est, l’aire d’extension babylonienne s’étendait beaucoup au delà des limites où s’arrêta plus tard la connaissance des Grecs et des Romains.

Un texte assyrien, auquel Oppert donne une antiquité de vingt-huit ou vingt-neuf siècles, nous montre les marchands du roi de Ninive péchant les perles dans la mer des Moussons et recueillant l’ambre jaune sur le littoral des mers où la Polaire est au faîte du ciel[2]. Et cependant l’empire d’Assyrie, situé dans l’intérieur des terres, n’avait rien pu ajouter au savoir géographique des Chaldéens vivant à proximité des ports du golfe Persique. Au contraire, la domination des souverains d’Assur correspondant à une période de grande régression intellectuelle et morale, il est probable qu’entre les deux époques l’horizon mondial s’était rétréci.

Dans son ensemble, le bassin des deux fleuves, en dehors de la région des montagnes, a la forme d’un immense amphithéâtre vers lequel se dirigent de toutes parts des voies convergentes. Par conséquent, un grand mouvement d’immigration se porte de tous les alentours vers la grande campagne : chaque vallée déverse le trop plein de ses habitants en suivant le cours de la rivière : tous les types se trouvent représentés dans les villes où se mélangent les populations. Ainsi la plaine se peuple de proche en proche, ici par des pasteurs cheminant avec leurs troupeaux dans les régions herbeuses, là par des agriculteurs utilisant directement l’eau fluviale pour l’irrigation de leurs champs. Toutefois, certaines parties de la contrée basse que par-

  1. Léon Heuzey, Découvertes en Chaldée par E. de Sarzec, p. 130.
  2. Recueil des Travaux relatifs à la Philologie et à l’Archéologie égyptiennes et assyriennes, pp. 33 et suiv.