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l’homme et la terre. — Caucasie

massifs abrupts de montagnes, coupés de défilés, de gorges difficiles, donnent asile à des bergers, vivant là-haut, dans les neiges, d’une existence âpre et périlleuse. Le contraste de la nature se présente sur mille points dans toute cette région tourmentée, et une opposition correspondante se montre dans les mœurs et les qualités héréditaires des populations respectives. Grâce au milieu, les unes se mirent surtout à l’agriculture, associée à un commerce d’émigration périodique, les autres s’en tinrent à l’élève des troupeaux, complétée, en temps et lieu, par des expéditions de brigandage.

Quoi qu’il en soit, les habitants de l’Anti-Caucase n’eurent pas fréquemment le bonheur de se maintenir indépendants, même durant l’existence du royaume dit de Van : tel ou tel ensemble de vallées ne pouvait former un groupe autonome qu’aux époques pendant lesquelles de grands empires envahissants ne s’étaient pas constitués au midi. Nous ne connaissons du reste l’histoire de la région montagneuse qui s’étend du lac de Van au lac d’Urmiah, c’est-à-dire du pays d’Urartu — identique à l’Ararat des Hébreux — que par les annales assyriennes, car l’art de l’écriture, enseigné par les scribes ninivites, mais appliqué à un idiome sans rapport avec l’assyrien, ne pénétra dans cette contrée qu’à l’époque d’Assurnasirpal. Pendant une période d’au moins sept cents années, commençant trente-quatre siècles avant l’époque actuelle, l’influence des Assyriens fut prépondérante en Urartu, et même, sous le roi Sargon, la domination exercée directement par les conquérants du sud paraît avoir été acceptée sans aucune tentative de résistance. Elle fut, à vrai dire, plus d’une fois violemment troublée par des invasions kimmériennes et scythes ; le nom de ce dernier peuple se retrouve même dans celui de Sacasène, province du haut Araxe, cité par Strabon. Quelques documents signalent aussi des guerres entre les princes de Van et les Hétéens, établis dans la Syrie du nord[1].

Sur la portion du territoire d’Arménie appartenant actuellement à l’empire russe, Nikolski et d’autres archéologues ont, jusqu’en l’année 1895, découvert vingt-trois grandes inscriptions cunéiformes, et l’on en connaît en tout une centaine dans l’ensemble du pays arménien qui se prolonge au sud et à l’est, jusque dans l’Azerbeïdjan ; il est vrai que

  1. A. H. Sayce, Les Hétéens, Annales du Musée Guimet, p. 50.