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l’homme et la terre. — Caucasie

Mésopotamie. Dans les régions septentrionales, le mouvement des nations se faisait de l’est à l’ouest, de l’Arménie vers l’Asie Mineure ou inversement, tandis qu’au sud le va-et-vient des hommes avait lieu dans un sens perpendiculaire, du nord au sud, dans les émigrations, et du sud au nord dans les marches d’invasion et de conquête.

L’appellation d’Arménie sous laquelle le pays qui fait face au Caucase est souvent désigné, d’après ses habitants les plus civilisés, ne présente une certaine valeur qu’au point de vue purement ethnologique, et d’ailleurs, même avant les massacres des dix-neuvième et vingtième siècles, peu nombreux étaient les districts où les représentants de cette nation se trouvaient en majorité ; très souvent les Arméniens ont dû se déplacer en diverses directions sous la pression des peuples voisins.

Même les noms locaux ont fréquemment changé. Le nom d’Ararat, aujourd’hui exclusivement appliqué à la grande montagne du Masis, avait autrefois une signification beaucoup plus ample. Sous la forme assyrienne Urartu ou Arartu, ce terme désignait constamment la partie nord-orientale de l’Arménie, surtout la plaine de l’Araxe : pour saint Jérôme encore, l’Ararat était, non le volcan superbe, mais la vaste campagne fertile s’étendant vers la Caspienne. En un mot, l’Ararat était le pays des Alarodiens (ou Araratiens) mentionnés par Hérodote[1].

D’autre part, le nom « Arménie paraît avoir été anciennement donné à la partie sud-occidentale de la contrée ainsi dénommée de nos jours. Hérodote ne connaît d’Arméniens que sur le haut Euphrate, près de la Phrygie et dans les montagnes où le Halys prend sa source[2]. La migration de ce groupe humain se fit donc dans la direction de l’occident à l’orient et finit par aboutir à la vallée de l’Araxe[3]. C’est vers le début de la dynastie des Akhéménides que des Arméniens ou Haïkanes — « Ascaniens » — auraient peuplé les alentours du massif de l’Ararat, devenu le centre géographique de leur domaine. Un souvenir de l’ancien séjour se trouve dans le nom d’Achkenaz, antique appellation des Phrygiens. D’après un très grand nombre de philologues, la mer connue jadis sous les noms de Pontos Axenos ou Axeinos aurait été ainsi désignée à cause des Ascaniens de ses rivages :

  1. livre III, 94 ; Fr. Lenormant, Les Origines de l’Histoire, tome II, pp. 2, 3 et suiv.
  2. Livre I, 72, 194 ; VII, 73.
  3. Moïse de Khorène ; Fr. Lenormant, Les Origines de l’Histoire, tome II, pp. 372 et suiv.