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l’homme et la terre. — Caucasie

siècle dernier, qui vit naître la puissance de la Russie dans ces parages.

Toutefois les cent petites nations isolées devaient trafiquer les unes avec les autres, et de proche en proche s’établit un mouvement commercial qui fut déjà considérable dès les temps mythiques, ainsi que nous le raconte la légende de la Toison d’or. Les Grecs naviguaient directement vers les bouches du Phase, le Rion actuel, mais ils recevaient surtout par des intermédiaires les métaux et autres objets de valeur provenant de la région du Caucase. Dans la division naturelle du travail qui s’opère parmi les peuples, conformément aux conditions spéciales de leur milieu, certaines tribus se chargèrent du transport, et, grâce à leur métier pacifique, nécessaire à tous, acquirent partout le droit d’hospitalité. C’est ainsi que l’on a de très sérieux indices pour admettre l’existence d’un commerce établi régulièrement entre le Caucase et les bords de la mer Baltique par l’entremise des Osses — peut-être aussi par celui des Ases immigrés en Scandinavie, — et que des liens de parenté rattacheraient à la population occupant alors et occupant encore les deux versants du passage du Darial[1].

Comparés à la muraille qui se dresse obliquement entre les deux mers — Pont-Euxin et Caspienne, — les divers massifs auxquels on donne quelquefois le nom d’Anti-Caucase, n’ont aucune régularité dans leur distribution et présentent plusieurs centres de formation et de résistance, compliqués de cassures et de plissements qui témoignent d’une histoire géologique très mouvementée. On peut reconnaître dans ce dédale plusieurs alignements de montagnes, mais nulle part de longues arêtes continues comme le mur caucasien. Les chaînes ont été découpées sans ordre apparent en plusieurs fragments secondaires par les gaves et les fleuves : ici le Rion et le Tchorukh, ailleurs l’Araxe et la Kura, à l’ouest et au sud-ouest les divers affluents de l’Euphrate, au sud-est ceux du Tigre ont déblayé un cube énorme de débris pour le distribuer en alluvions dans la mer Noire, la Caspienne et le golfe Persique. Ces grandioses phénomènes d’érosion eurent pour résultat de vider la plupart des étendues d’eau qui occupaient jadis les cavités de ces hautes terres, mais il en reste encore un certain nombre, grandes et petites. Moins élevé en moyenne et de dimen-

  1. Champeaux, Science sociale ; — Vivien de St-Martin, Recherches sur les Populations primitives du Caucase.