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l’homme et la terre. — origines

pas atteint à certains égards un degré de culture culminant : au point de vue de l’art, toutes les générations suivantes, pendant les âges néolithiques, représentent une période de grand recul. Les auteurs qui s’occupent des hypothèses relatives à ces races préhistoriques cherchent à deviner les conditions de provenance et de milieu dans lesquelles se trouvaient les diverses peuplades dont ils ont découvert les campements, mais la part des opinions personnelles est trop grande dans les théories diverses pour qu’on puisse se risquer à des affirmations précises en matière aussi incertaine ; en tout cas, rien ne prouve qu’il y ait eu progrès continu chez l’homme, au point de vue des dimensions du cerveau et de la forme du crâne. Il est probable même qu’il en fut autrement.

Malgré l’opinion commune, la contenance du crâne ne se serait point accrue depuis les temps paléolithiques. La plupart des crânes fossiles l’emportent en capacité sur la moyenne des crânes actuels. Certains ont cherché la raison de ce fait dans une lutte pour l’existence plus âpre, plus variée, demandant des efforts plus constants, plus de présence d’esprit, d’ingéniosité et d’invention[1] ; avouons plutôt notre profonde ignorance. L’histoire de l’humanité comporte une évolution continue avec alternatives de gains et de pertes en force, en adresse, en acuité des sens, en vigueur intellectuelle, et, dans cette fermentation des sociétés, les progrès de l’ensemble peuvent coïncider avec une moindre valeur des individus.

On a risqué déjà quelques mesures du temps qui permettent d’obtenir de premiers points d’appui pour l’histoire de l’Homme sous nos climats tempérés de l’hémisphère septentrional. Les calculs approximatifs faits sur le dépôt des alluvions dans le lac des Quatre-Cantons et dans celui de Thun ont donné seize mille années au géologue Heim et quinze mille à Brûckner et à Beck comme la période probable écoulée depuis le dernier retrait des glaces helvétiques[2].

Aux États-Unis, les restes d’un dépôt glaciaire, terminé par une moraine frontale, se poursuivent comme un rempart, de Long-Island aux bords de l’Ohio et du lac Michigan, puis, à l’ouest, jusqu’à

  1. Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, p. 113-119.
  2. Albert Heim, Ueber das absolute Aller der Eiszeit, Vierteljahrsschrift der Gesellschaft in Zurich, xxxix, 1894.