Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 1, Librairie Universelle, 1905.djvu/474

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
452
l’homme et la terre. — Caucasie

descendues du plateau d’Iran ou des hautes terres voisines, Mèdes et Perses, Turcs et Tartares, Tat et Talich.

Le Caucase représente un immense barrage que les peuples en marche cherchent à franchir en son point faible. Par un phénomène de poussée ethnologique parfaitement analogue au mouvement des eaux qui se produirait dans un réservoir, les émigrants se heurtent contre l’énorme mur, et ne peuvent le traverser, puisque la seule porte d’écluse ouverte dans l’épaisseur du rempart est celle où se sont établis les Osses, appuyés sur les ouvrages de défense construits dans la gorge de Darial ; ils auront donc à se glisser à droite en une longue veine par le passage qui suit le littoral de la Caspienne. En dehors de la brèche, le flot mobile des migrateurs se reploiera en tournoyant dans les plaines comme un immense remous, projetant même sa crête refluante dans quelque dépression du revers de la montagne. C’est en effet là ce qui s’est produit : inondation des eaux, inondation des hommes obéissant aux mêmes lois. Ainsi nous voyons les Tat et les Talich du bassin de la Kura pénétrer au loin dans l’étroit couloir des « Portes de Fer » ; de même le territoire des Tartares Azerbeïdjani se continue au nord par celui des Tartares Rumîk, et ceux-ci ont pour voisins dans les plaines de la Cis-Caucasie leurs devanciers, les Tartares Nogaï, tandis que d’autres Tartares encore, les Karatchaï, ont été projetés par la poussée de migration jusque dans les vallées caucasiennes du versant septentrional. Mais la coulée de ces peuples venue du sud par le passage de la rive Caspienne se rencontre dans les basses plaines avec un déluge d’autres populations touraniennes arrivées par la large ouverture ménagée entre les monts Oural et la mer Caspienne.

Si les immigrants du sud ont à diverses reprises suivi le bord occidental de la Caspienne pour se répandre au nord dans les plaines Sarmates, le mouvement ethnique a pu se produire en sens contraire, et c’est pour éviter ces invasions de nomades barbares que les dominateurs de la Trans-Caucasie s’occupèrent souvent de fortifier le défilé, surtout à l’endroit le plus favorable pour la résistance, connu aujourd’hui sous le nom turc de Derbent ou « Porte de Fer ». Avant l’invention de l’artillerie, le mur de défense, qui se prolongeait à une trentaine de kilomètres dans les montagnes et pénétrait dans la mer par une haute jetée, était véritablement infranchissable. Firduzi, dans le