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l’homme et la terre. — Caucasie

rempart du Caucase, placé obliquement entre les deux mers, sur une longueur d’un millier de kilomètres et séparant l’une de l’autre des contrées fort différentes par la nature du sol et le climat, des peuples en fuite ou dans l’élan victorieux des expéditions guerrières vinrent fréquemment se heurter contre ces monts et tentèrent de les franchir. C’est en des occasions tout exceptionnelles, lors des grands ébranlements nationaux, qu’aux échancrures favorables dans les hautes arêtes, des bandes armées cherchèrent à forcer un passage ou que se produisit un mouvement de migration lente.

La première de ces portes naturelles — le Darial — s’ouvre vers le milieu de l’isthme, mesuré de l’est à l’ouest au lieu le plus étroit, où l’on compte environ 500 kilomètres de mer à mer. Des deux côtés, de la Cis-Caucasie à la Trans-Caucasie, on s’élève vers le point faible de la chaîne par une large vallée, au nord celle du Terek, au sud celle de la Kura, les deux fleuves les plus abondants du Caucase ; les alignements des montagnes ne présentent dans la région du seuil qu’une centaine de kilomètres d’épaisseur. Le point le plus haut du col, dit aujourd’hui le « mont de la Croix » — Krestovaya Gora — (2 263 mètres), n’atteint pas la limite des neiges persistantes, qui, dans certaines parties du Caucase, ne se trouve qu’à 3 500 et même à 4 000 mètres d’altitude. La route à suivre pour traverser la montagne en cet endroit est d’autant mieux indiquée que la chaîne du nord, prolongement de l’arête majeure du Caucase occidental, est complètement coupée par les eaux du Terek ; il n’y a là qu’une seule crête à traverser et le voyageur qui a remonté par gorges et vallées le long du fleuve et contourné l’énorme massif du Kazbek franchit un étroit rempart et descend déjà dans la vallée d’un affluent de la Kura.

Or, dès les origines de l’histoire, on constate que des populations de provenance iranienne, les Osses ou Ossètes, qui se donnent eux-mêmes le nom d’Iron, s’étaient solidement établies sur la voie de passage et occupaient les deux parois d’entrée et de sortie. Grâce à cette prise de possession, les Osses purent défendre cet important chemin du Caucase, qui devait être un centre d’attraction par excellence pour les peuples migrateurs ; mais le danger dut être parfois très pressant, surtout à l’époque où le déluge des barbares descendait vers le midi, et « c’est ainsi qu’il y a environ quatorze siècles, les deux empereurs