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l’homme et la terre. — iranie

et d’annexions qui subjugua tant de nations diverses et les réunit en un immense troupeau militaire.

Sous cette formidable poussée, presque tout le monde connu finit par entrer dans les limites de l’empire des Perses et des Mèdes : la Mésopotamie et l’Arménie, l’Asie Mineure, la Syrie, même l’Egypte, la Cyrénaïque jusqu’au jardin des Hespérides, le pays des Scythes jusqu’aux steppes du Nord et aux montagnes glacées de l’Immaüs, enfin les régions nord-occidentales de l’Inde, qu’Alexandre le Macédonien revendiqua plus tard comme successeur des Akhéménides : de l’est à l’ouest, le territoire soumis aux rois perses s’étendit sur un espace de quatre à cinq mille kilomètres en distance linéaire.

À cette grande époque, la Perse était ce que l’empire romain fut sept ou huit cents ans plus tard. Le rêve de la monarchie universelle n’avait jamais été si près de sa réalisation. Et non seulement la Perse l’emportait par l’étendue de ses domaines, elle était aussi au premier rang par la grande culture intellectuelle, le mouvement philosophique et la tolérance des idées. Mais le danger était grand pour le chef d’un pareil empire : à la mort de Cyrus, l’Iran semblait embrasser le monde entier et le souverain de la contrée était placé si haut dans sa toute-puissance que « l’ivresse du trop plein, du trop lourd égarant sa raison » en fit ce que nous décrit l’histoire, un Kaous, un Kambyse[1].

Le centre de gravité de l’immense empire allait se déplacer de nouveau sous l’influence des événements. D’abord les Perses, jadis peu soucieux d’avoir une capitale, vu l’organisation féodale de leurs principautés, donnèrent le premier rang à une cité de leur territoire lorsqu’ils furent devenus le peuple dominateur, et Persepolis, située au centre de la Perse proprement dite, s’éleva au-dessus de toutes les villes par sa majesté ; cependant les sièges ordinaires de l’empire furent Ecbatane, comme résidence d’été, et, comme résidence d’hiver, une Suse nouvelle, reconstruite sur les ruines de l’ancienne. Ces deux villes possédaient l’avantage de se trouver non loin des points d’attaque du monde occidental que les Iraniens avaient à combattre. De ces lieux d’avant-poste, les rois des rois, prêts à diriger leurs armes sur l’un ou l’autre des points menacés, surveillaient les peuples de la Méso-

  1. De Gobineau, Histoire des Perses, tome I, p. 520.