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l’homme et la terre. — iranie

nent leur cours pour redescendre du cercle glacial et raboter de nouveau les campagnes et toutes les œuvres de l’homme.

Il est donc plausible que, de toutes les racines desquelles s’éleva le grand arbre de la religion mazdéenne, la plus ancienne fut le culte du Soleil et de son représentant sur la Terre, la Flamme éblouissante qui brûle et purifie. Cette religion première, dont l’évolution générale de l’humanité a partiellement effacé les traces, gardait dans l’iranisme des caractères si vivants et si précis que les peuples se trouvaient encore à son égard dans leur état d’émotion primitive.

Il est vrai que, de tout temps, l’animal et l’homme avaient connu le feu, soit dans les cratère des volcans, soit dans les arbres allumés par la foudre, soit encore dans le choc des éclats du silex, ou dans les branches d’essences différentes qui s’allument par la friction ; mais combien prodigieuse fut la conquête qui enseigna l’art de conserver la braise ou la flamme, et, mieux encore, de les produire à volonté ! En comparaison de cette découverte première, toutes les inventions dont nous tirons un si grand orgueil ne sont que peu de chose, de simples transmutations de la force initiale qui nous fut donnée quand un homme vit une étincelle due à son génie briller sous son regard : toutes les industries existaient désormais en germe. La plus noble figure de l’histoire mythique et de l’histoire réelle était née, celle de Prométhée, « le ravisseur du Feu ».

On comprend que les pratiques premières de la création du feu aient été considérées comme saintes et que les chefs de famille se soient longtemps fait un devoir de produire le feu, suivant le mode antique, par le frottement d’une tigelle pointue de bois dur tournant dans une baguette trouée de bois mou. Le feu domestique resta, pendant des milliers d’années, entouré de tous les signes extérieurs d’une vénération profonde ; et, chose curieuse, les mêmes cérémonies se retrouvent identiques chez les panthéistes et polythéistes aryens de l’Inde, chez les dualistes iraniens et les fétichistes de l’Afrique et du Nouveau Monde, preuve que le culte du Feu avait précédé chez les uns et les autres les évolutions religieuses et le dogme proprement dit.

Ce culte primitif, répondant à une conquête d’importance majeure, réalisable partout et presqu’indépendante des conditions géographiques, fut, de toutes les religions, celle qui put se passer le plus longtemps du cérémonial sacerdotal : la conservation du feu était l’office naturel