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histoire de l’elam

L’Elam fut plusieurs fois dévasté par Sargon et Sennacherib ; enfin, il y a 2 530 ans selon les uns, 2 546 selon les autres, Suse, la capitale millénaire, fut rasée par Assurbanipal. « J’ouvris leurs trésors, je pris l’or et l’argent, leurs richesses… J’enlevai Chuchinak, le dieu qui habite dans les forêts, et dont personne n’avait encore vu la divine image… Je brisai les lions ailés et les taureaux qui veillaient à la garde des temples ».

Le vainqueur s’enivre de son chant de destruction, mais il laissa de quoi occuper notre curiosité : quel intérêt pouvaient avoir pour lui les tablettes d’argile cuite, composant les archives de l’administration ? Aussi les débris que laissèrent les barbares conquérants ont pour nous plus de prix que l’or dont ils se montraient si avides[1]. Après la chute de Suse, l’Elam, « le plus ancien des États de l’Asie antérieure », disparut de la scène du monde[2].

Quelque trente ans après la destruction de Suse, Ninive, la capitale des orgueilleux Sar, succomba à son tour sous les coups des Mèdes, une cinquantaine d’années avant que Cyrus, le Roi des rois, montât sur le trône persan.

Le fait le plus antique de l’histoire iranienne, conservé comme un diamant dans une argile impure, nous montre, au milieu du fatras légendaire des chroniques contradictoires, que les anciens Perses, destinés à subir si durement l’oppression des rois, eurent aussi leurs jours de noble revendication : l’événement reste baigné dans l’ombre d’une période inconnue et l’on ne sait quels personnages s’étaient arrogé l’empire, mais la tenace mémoire du peuple et la précision du récit, tel que le transmet l’épopée persane, ne permettent pas de mettre en doute cette révolution des anciens jours[3], enchâssée dans la fable bizarre du monstrueux Zohak qui portait sur ses épaules deux énormes serpents n’ayant d’autre nourriture que des cervelles d’hommes. Déjà dix-sept des fils du forgeron Kaoueh avaient été trépanés par les serpents royaux et il n’en restait plus qu’un désigné par le tyran pour subir le même destin. C’est alors que Kaoueh, brandissant son tablier de forgeron au bout d’une perche et suivi d’autres hommes de travail portant leurs marteaux, leurs poinçons et leurs scies, se

  1. J. de Morgan, Mission archéologique en Perse, préface.
  2. G. Maspero, Histoire ancienne des Peuples de l’Orient, p. 470.
  3. Mohl, Livre des Rois.