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l’homme et la terre. — iranie

constitué par les premiers ressauts du Zagros qui dominent de loin la Mésopotamie et le rivage maritime arrondissant sa courbe entre l’Iran et l’Arabie, mais dans le cours des âges le terme engloba vers l’est tout le rempart montagneux jusqu’au rebord du plateau et vers l’ouest la Susiane qui, au sens premier du mot, n’était que la basse vallée du Karun ; peu à peu les deux termes, Elam et Susiane, furent employés l’un pour l’autre. Ainsi s’explique que Suse qui, isolée, appartiendrait géographiquement à la Potamie, fasse partie de l’ensemble iranien. Aux premiers temps de l’histoire reconstituée, à l’époque où les peuples civilisateurs de la Chaldée sont connus sous le nom d’Akkadiens et de Sumériens, les Elamites, d’une culture non moins avancée sans doute, regardaient d’en haut sur leurs rivaux de la plaine et maintenaient leur capitale dans une position avancée vers l’ennemi héréditaire, un autre Paris en avant d’un autre plateau Central.

Les plus lointaines lueurs que les investigations récentes ont jetées sur ce pays remonteraient, d’après de Morgan[1], à une centaine de siècles. En ce temps-là, le golfe Persique s’avançait plus au nord dans les terres, et l’éléphant, le rhinocéros, le lion, l’antilope parcouraient les plaines marécageuses au pied des monts : les traces de ces animaux se retrouvent aujourd’hui à vingt mètres sous terre ; des pierres taillées, des débris de poteries témoignent de la présence de l’homme. Les savants chercheurs ont mis à jour des tablettes de terre crue recouvertes de signes qui n’ont pas encore été complètement déchiffrés, mais qui représentent certainement des pièces de comptabilité datant de près de 6 000 ans. Le nom du plus ancien roi qu’on ait retrouvé remonte à peu près à la même époque.

Depuis ces premiers indices historiques jusqu’à la destruction de Suse par les Assyriens, c’est-à-dire pendant une période de plus de trois mille années, la reconstitution de l’histoire de l’Elam n’est que le récit de l’antagonisme incessant qui exista entre les princes de Suse et ceux de villes de la Chaldée. Les inscriptions en font foi : la langue officielle de la Susiane était tour à tour sémitique (ou babylonienne) et touranienne (plus spécialement anzanite), suivant que le vainqueur régnait à Babylone ou à Suse.

  1. Histoire de l’Elam.