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l’homme et la terre. — iranie

l’est par des foules agricoles en nombre prodigieux ; enfin une vallée, s’élargissant de distance en distance pour former de petits bassins, offre un chemin facile sur une grande partie de l’espace montagneux intermédiaire : c’est celle de l’ancien Cophen, le cours d’eau dit actuellement rivière de Kabul.

Les forces d’attraction que les deux contrées de la Bactriane et de la plaine hindoue exerçaient l’une sur l’autre, sur les marchands, les missionnaires, les guerriers, devaient donc déterminer la fréquentation des sentiers de montagnes les plus faciles. Dans cette partie de la haute arête de l’Indu-kuch, plusieurs chemins se présentent, mais, de tous, les plus faciles sont ceux qui, passant par les brèches de Karakotal, et de Bamian, franchissent la grande chaîne à des hauteurs diverses, entre 3 000 et 4 000 mètres, soit pour descendre directement par la vallée d’un affluent du Kabul, soit pour gagner cette rivière elle-même dans sa longue coulière granitique. Un autre col de la même cassure des monts permet de prendre une route latérale se dirigeant au sud-ouest vers le Seïstan et la Perse : c’est la fourche dite actuellement Hadji-kak ou « Pas des pèlerins », nom qui rappelle les caravanes de musulmans en marche vers les villes saintes de la Mésopotamie et du littoral de la mer Rouge. Ainsi cet ensemble de brèches constitue un centre vital de la plus haute importance historique ; peut-être n’en est-il pas dans le monde qui puisse lui être comparé. Des villes puissantes ne pouvaient manquer d’être fondées de part et d’autre aux abords de ces passages de tout temps utilisés par les voyageurs pacifiques et convoités par les conquérants. C’est par là, sans nul doute, qu’à l’aurore de notre histoire, s’établit le va-et-vient des peuples de langue aryenne entre les deux versants du Caucase indien.

En dehors de ces voies historiques et de leurs abords, les contrées de l’ancienne Arachosie sont disposées de manière à protéger contre tout changement les populations résidantes. Les massifs de montagnes, constituant autant de domaines séparés, favorisent la conservation des régimes anciens, le maintien des mœurs primitives ; sans doute, mainte et mainte peuplade des lieux écartés restèrent aux mêmes endroits, dans les mêmes conditions de vie, pendant les âges antiques aussi bien que durant les siècles qui succédèrent à l’expédition d’Alexandre. La Drangiane, à mi-distance de la montagne et de la plaine brûlée, est un lieu de repos où pourtant la proximité des grandes routes de passage et