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l’homme et la terre. — iranie

se maintenaient en relations de culture et de progrès avec le monde occidental ; mais que le fil fût coupé par des faits de guerre ou par d’autres événements, les pays extérieurs retombaient dans un état de barbarie relative.

En effet, il ressort de l’étude comparée des peuples que, pendant toutes les périodes de sa prospérité ou du moins de sa puissance politique, la Bactriane fut en libres relations de commerce, ou même en union d’Etat avec les contrées d’outre-versant. Ainsi, durant les âges de la protohistoire, lorsque la foi et le culte qui nous semblent, à nous modernes, constituer la religion aryenne par excellence, le mazdéisme, prenaient leur origine dans le bassin de l’Oxus, les Aryens, considérés non comme ancêtres d’une race « indo-européenne » embrassant une moitié du monde, mais comme peuple parlant une langue apparentée à nos idiomes de filiation présanscrite, paraissent avoir dominé sur les hautes terres de l’Asie, des pentes du Tian-chan et des Pamir à celles des montagnes de l’Azerbeïdjan et aux rives de la Caspienne. « Le cœur de l’Iran originel, c’était Balkh », dit Gobineau[1].

Après cette période, pendant laquelle Bactres exerça peut-être une certaine hégémonie sur les populations de même race habitant le revers méridional des monts, elle leur resta longtemps associée dans l’heur et dans le malheur, puisqu’elle tomba successivement sous la domination des Mèdes, des Perses, des Macédoniens et des Grecs séleucides. Ensuite, lorsque la force initiale ayant son point d’appui sur les bords de la Méditerranée se fut presque entièrement dépensée et que les successeurs directs d’Alexandre durent abandonner les provinces orientales de leur empire, l’Etat grec indépendant qui se constitua dans la Bactriane continua d’être en relations avec les Parthes du Sud et même avec les habitants de l’Inde : un des monarques de la contrée, Demetrius, qui vivait il y a près de vingt et un siècles, fut connu sous le titre de « roi des Indiens ». Bien plus, la force d’impulsion donnée à la Bactriane par les populations civilisées venues de l’Occident avait fait de ce pays un lieu d’étape entre la Méditerranée et le fleuve Jaune. A l’époque où la Bactriane hellénisée était devenue le centre de la culture dans l’Asie

  1. Histoire des Perses, tome I, p. 11.