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l’homme et la terre. — iranie

sur un filet nerveux, se développant en sinuosités à la base des plateaux, traversant le diaphragme montagneux de l’Asie pour passer des plaines sibériennes dans la dépression de la Perse septentrionale et descendre à l’ouest vers le bassin commun du Tigre et de l’Euphrate. Certes les terres qu’arrosent le Sir et l’Amu ne sont pas un centre de convergence pour les voies historiques comme l’est Babylone, par exemple, où aboutissent les voies de l’Arabie et de l’Afrique, de la Phénicie et de l’Asie Mineure, des pays de la Méditerranée et de la mer Noire, du Caucase et de toutes les contrées de l’Hyrcanie lointaine, de l’Iran et de l’Inde ; toutefois, on y reconnaît des nœuds de ramifications secondaires, ayant aussi une importance fort grande dans l’économie générale du monde, puisque ces vallées sont traversées par des chemins de commerce, mettant l’Orient en communication avec l’Occident.

Un premier bassin fluvial, très septentrional, celui du Tchu, emmène le trop plein de l’Issik-kul, ou « lac Chaud ». Il mérite à peine d’être mentionné comme lieu de séjour, n’étant, pour ainsi dire, qu’une indication géographique, un trait d’attente : ses eaux sont bues par les sables, et le désert y pénètre, ne laissant aux agriculteurs, c’est-à-dire aux civilisés, qu’un espace trop étroit.

La zone de peuplement ne commence qu’avec le Iaxartes des Grecs, le Silis des anciens Scythes, connu de nos jours sous le nom de Sîr ou Sîr-daria. Ce premier fleuve est moins riche que son rival du sud en relations naturelles avec le reste du continent. Né dans le cœur même du Tian-chan, il parcourt par ses affluents supérieurs des combes neigeuses et de sauvages défilés : la contrée appartient à un climat trop rigoureux pour que la population ne soit pas très clairsemée et puisse avoir d’autre industrie que le soin des troupeaux. L’agriculture, condition première de la civilisation, n’est possible que dans la plaine de Ferghana, ancien lac au alluvions horizontales, parfaitement arrosée par les eaux abondantes du Sîr et de ses affluents nombreux. Ce bassin est une autre Lombardie par la beauté et la variété de ses cultures, par la magnificence de ses horizons de montagnes qui limitent les cultures au nord et au sud, comme d’autres Alpes et d’autres Apennins. Le pays, l’un des plus charmants du monde, renommé dans les contrées de civilisation iranienne par la douceur et la clarté tranquille de son atmosphère, est « tout bleu », dit le voyageur Ujfalvy,