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l’homme et la terre. — iranie

les terres d’en bas, steppes ou déserts de la Dsungarie, de la Sibérie et de la Russie orientale, mais ces régions n’étaient guère habitées que par des nomades dont l’état de culture ne pouvait facilement se modifier à cause de la grande uniformité des conditions de la vie. Les envahisseurs venus de l’Est ou de l’Ouest s’y perdaient comme dans une mer ; d’un côté à l’autre de l’immense plaine, le déplacement des nations s’accomplissait sans que leur civilisation eût été changée ; sortis nomades et incultes des portes de la Dsungarie, ils se présentaient à celles des Carpates avec des mœurs identiques : la secousse morale qui devait opérer une révolution dans leur existence ne se produisait qu’à des milliers de kilomètres de leur pays d’origine.

Il en était tout autrement, nous l’avons vu, sur les hautes terres de l’Iran, grâce au contraste que ce pays présente avec toutes les régions circonvoisines. Que les émigrants vinssent des plaines de la Mésopotamie ou des vallées caucasiennes, des sables du Turkestan ou du bassin de l’Indus, ils se trouvaient par cela même transportés en un milieu tout nouveau, et le chemin qui leur était tracé d’avance leur offrait l’occasion d’apprendre, de se transformer même sous l’influence d’une civilisation différente de la leur. On peut comparer la voie septentrionale de la Perse, entre Meched et Hamadan, à une espèce de laminoir dans lequel les populations ont soumis leurs idées et leurs mœurs, comme des métaux ductiles, à une élaboration nouvelle, de sorte que, entrés barbares dans le pays, ils en partaient initiés à un degré supérieur de civilisation. De là l’importance capitale de la Perse dans l’ensemble de l’histoire humaine ! Ce n’est pas sans raison que tous les peuples occidentaux et orientaux, Européens, Américains, Hindous, Chinois, regardent vers les contrées de l’Iran comme vers un pays d’ancêtres. Les légendes qui montrent les premiers hommes descendant de ces monts ont un fond de vérité.

Au Nord du diaphragme qui relie l’Elburz au Pamir et dont les chaînons intermédiaires portent différents noms souvent employés dans un sens peu précis : Monts du Bord, Caucase iranien, seuil des Turkmènes, montagnes du Khorassan, Paropamisus, Hindu-kuch, les bassins fluviaux, que forment les glaces et les eaux descendues du versant occidental des énormes massifs, plateaux et montagnes du Tian-chan et des Pamir, constituent les contrées les plus avancées vers l’est qui, de ce côté du monde, aient reçu des populations civili-