Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 1, Librairie Universelle, 1905.djvu/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
356
l’homme et la terre. — iranie

les parlaient. D’autre part, un passage du Zend-Avesta dit en propres termes que le peuple iranien dut se retirer devant une invasion du froid et l’on s’accorde généralement à voir dans les plaines situées au nord du bassin de l’Amu la contrée qu’il eut à déserter.

Les éléments sémitiques (Hehn) et tartares (Tomaschek) empruntés en grand nombre par les langues aryennes nous ramènent encore par la pensée au plateau d’Iranie, c’est-à-dire à la Perse, située précisément entre la plaine sémitique de la Chaldée et les steppes touraniennes de la Transcaspienne.

Enfin, c’est dans le domaine de l’Iran que se trouvent les restes de populations primitives ayant le mieux conservé le caractère de tribus aryennes dans leur stade de barbarie. Les montagnards enfermés par les hautes parois de l’Hindu-kuch qui s’inclinent au sud pour déverser leurs eaux dans la rivière de Kabul sont considérés par tous les étymologistes comme les moins mélangés de tous les Aryens : ce sont eux qui mériteraient le nom d’Aristoi ou d’ « Aryens par excellence », si l’étymologie proposée par Brunnhofer[1] est tenue pour acceptable. La nature environnante, monts sourcilleux presque infranchissables, âpres défilés, cascades et rochers, brousse où l’on ne pénètre que la hache à la main, avaient défendu ces montagnards contre tout croisement avec les gens de nations diverses passant plus bas dans les campagnes ouvertes.

Ces indigènes, auxquels leurs voisins musulmans donnèrent dans les temps modernes le nom de Kafir ou « Infidèles », moins à cause de leur inconversion que pour leur indomptable esprit d’indépendance, ressemblent plus aux Européens que tout autre peuple de l’Asie : il en est même qui ont les yeux bleus et la chevelure blonde. Leur langue, certainement aryenne, se rapproche du sanscrit, et leur culte, très respectueux du feu, rappelle les cérémonies décrites dans les Véda hindous : aucun souffle impur ne doit atteindre la flamme. Des instruments, des meubles, diverses coutumes, la façon de compter par vingtaines parlent également en faveur de la parenté qui unit ces Kafir de l’Hindu-kuch aux Aryens de l’Asie et de l’Europe[2].

De même, lors de l’arrivée des Russes dans la Turkménie, ils découvrirent, au milieu d’un chaos de populations plus ou moins mélan-

  1. Vom Aral bis zur Gangâ, p. 14.
  2. Raverty ; — Theobald ; — Masson ; — Vignes ; — Biddulph.