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l’homme et la terre. — iranie

climat océanique, des pluies, de la végétation, et les facilités d’accès : ces mers sont autant de grands chemins, soit directement par leurs nappes d’eau, soit par leurs plages qu’ont suivies les peuples les plus divers, les représentants des types de toute race et de toute langue. Nulle part ne se retrouve une situation analogue à celle de l’Asie Antérieure, autour de laquelle convergent le golfe Persique, la mer Rouge, la Méditerranée, le Pont-Euxin, la Caspienne, simple reste de ce qui fut autrefois, à travers la Sibérie occidentale, une nappe de l’océan Arctique. L’Asie anatolienne et persane était donc indiquée d’avance, par le fait même de sa construction géographique, pour devenir le lieu par excellence de la préparation au labeur et de l’enseignement de l’humanité : ce que nous appelons « civilisation » a pris en cette contrée son principal point de départ, à la fois vers l’Occident européen et vers l’Orient chinois.

Outre le merveilleux bassin de la Mésopotamie, qui s’incline vers le golfe Persique et y déverse ses eaux, mais qui, grâce à la proximité de quatre autres mers, communique facilement avec tous les versants maritimes de l’Ancien Monde, l’Asie Antérieure, prise dans le sens le plus large que l’on puisse donner à ce terme géographique, possède un deuxième grand bassin fluvial, qui dut avoir aussi une haute importance historique, très inférieure cependant à celle de la Mésopotamie proprement dite. Pourtant, plusieurs dizaines de siècles avant nous, cette région spéciale était beaucoup plus abondamment arrosée que de nos jours, la végétation y couvrait des étendues plus considérables et les terrains de culture à population résidante y étaient moins limités par le désert. Ce deuxième centre de civilisation était celui que parcourent les deux grands cours d’eau Iaxartès et Oxus, appelés aujourd’hui le Sir et l’Amu, fleuves dont la disposition rappelle lointainement celle des courants jumeaux du Tigre et de l’Euphrate, et qui ont été signalés à cet égard comme des exemples de « gémellarité fluviale »[1].

On le voit : le quadrilatère de l’iranie ou la Perse proprement dite, ce plateau si bien encadré entre deux plaines d’une grande fécondité, a d’autant plus d’importance naturelle qu’il appartient par ses origines à la région où l’on voit apparaître les premiers linéaments

  1. Carl Ritter, Configuration des continents.