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conceptions et préjugés

nance plus logique, sans les chapelles et les salles d’honneur qu’on y avait ménagées. Vico nous dit que l’histoire se décompose en trois époques : des Dieux, des Héros et des Hommes. On voudrait encore nous maintenir de force dans l’un ou l’autre des deux âges qui se sont déroulés. Mais nous sommes entrés résolument dans celui des Hommes.

Tôt ou tard, l’histoire se partagera en deux périodes : celle du Hasard et de l’Ignorance barbare, celle de la Science ou de la Raison, comme le disaient déjà les Encyclopédistes. On s’est trop hâté de faire remonter l’histoire moderne à l’avènement de la Réforme[1], période où ceux qui se croyaient en possession de la vérité voulaient aussi l’imposer de force. « L’humanité ne finit par marcher droit qu’après avoir essayé de toutes les manières possibles d’aller de travers » (Spencer).

Dans ce nouveau cosmos, purement humain, l’étude de l’histoire ne comporte plus comme autrefois l’intervention divine du miracle, changeant à son gré la succession des événements, ni l’apothéose de quelques personnages légendaires, placés en dehors des simples mortels et dispensés par leur génie de se soumettre au cours ordinaire des choses : désormais la science du développement humain est sous la dépendance des mêmes méthodes que les autres disciplines intellectuelles ; elle ne progresse que par l’observation rigoureuse, la comparaison stricte, impartiale, et le classement des faits, soigneusement ordonné dans l’espace et dans le temps.

Quelles que soient les lois ou du moins les appréciations générales auxquelles ce long travail amènera les historiens, ils constatent déjà, sans aucune exception, que la série des événements s’accomplit par une alternance d’élans et de repos, par une suite d’actions et de réactions, ou bien de flux et de reflux, de « cours et de recours » comme le disait Vico. Hommes et peuples « font un tour et puis s’en vont », mais ils s’en vont pour revenir en une ronde toujours plus vaste.

Depuis les origines des temps historiques, l’ampleur des oscillations n’a cessé de s’accroître et les mille petits rythmes locaux se sont mêlés peu à peu en un rythme plus ample : aux infimes alternances de la vie des cités succèdent les oscillations plus générales des nations,

  1. Elic Reclus, Notes manuscrites.