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l’homme et la terre. — divisions et rythme de l’histoire

précise, puisque les premières observations ne furent pas faites avec la rigueur nécessaire : les annales du magnétisme terrestre sont en grande partie hypothétiques et les évaluations finales auxquelles sont arrivés les divers savants présentent encore de considérables écarts. Selon Chazallon[1], la boussole pointait vers le nord vrai en l’année 1663, et, après avoir constamment décliné vers l’ouest jusqu’en 1814, époque à laquelle l’angle de déclinaison formé avec le méridien terrestre dépassait 22 degrés et demi, elle revient vers ce méridien pour coïncider avec lui en l’an 2151. La période totale, ou plutôt la demi-période, car il faudrait aussi tenir compte du parcours de l’aiguille durant sa déclinaison vers l’est, comporterait donc 488 années. Brück nous donne une autre évaluation : 517 années[2]. Enfin, John Parker, ajoutant plus d’un siècle au résultat du précédent calcul, fixe la durée de l’année magnétique à 645 ans, et pense que cette année se confond avec la révolution de la planète autour du centre de l’orbite solaire[3].

Ainsi, l’on ne saurait sans témérité prétendre à la connaissance de la période d’oscillation magnétique : l’aiguille aimantée, incessamment flottante, a les allures les plus capricieuses en apparence, son mouvement varie d’année en année, de minute en minute, de seconde en seconde. Il serait plus imprudent encore de risquer un plan de concordance régulière entre les oscillations du magnétisme terrestre et celles de l’histoire des hommes. La tentative de ce genre faite par le mathématicien Brück aboutit aux affirmations les plus bizarres. Ayant fixé à 22 702 années — pas une de plus, pas une de moins — la durée totale de l’humanité, l’auteur divise l’histoire en 44 périodes magnétiques, les deux premières comprises entre la création du monde et le déluge. En 1900, le genre humain eut exactement 6924 ans, ce qui représente pour lui le commencement de l’âge mûr, et dix peuples chefs se sont succédé à sa tête ; plus de trente autres suivront jusqu’à ce qu’une révolution géologique détruise la croûte terrestre et, avec elle, ceux qui l’habitent. Dans l’exposé de cette hypothèse, certaines dates sont censées marquer autant d’explosions sociales : 493, 1009, 1523. Et pourtant l’auteur est obligé d’expliquer au lecteur étonné la signification de ces dates fulgurantes qui indiquent respectivement la « naissance de l’idée chrétienne », l’ « anéantissement des idées païen-

  1. Annales du Bureau des Longitudes.
  2. 2. Ouvrage cité, p. V.
  3. Journal of the American geographical and statistical Society, 1870.