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l’homme et la terre. — origines

conquête, en chercher la filiation à travers le chaos des peuples entremêlés.

Le grand fait qui ressort des recherches poursuivies avec tant de zèle est que, dans leur évolution, compliquée nécessairement de reculs partiels, les divers représentants de l’humanité s’élèvent pourtant, de période en période, par l’art de plus en plus ingénieux et savant de compléter leur individu, d’accroître leur force au moyen d’objets extérieurs sans vie : pierres, bois, ossements et cornes. Tout d’abord, le primate dont nous sommes les descendants se bornait à ramasser les branches mortes et les pierres, ainsi que le faisait son frère le singe, et s’en servait comme d’armes et d’instruments. C’était l’âge de l’humanité que perpétue, à certains égards, le farouche Seri du Mexique, portant la pierre ronde qui lui sert de massue.

Puis vint la période « éolithique » ou de simple utilisation de la pierre, période qui commença, semble-t-il, dès la fin du miocène. Des novateurs, des hérétiques du temps, apprirent à employer les cailloux de forme inégale : masses, poignards ou scies, pointes, rabots, racloirs et autres instruments naturels qu’ils se bornaient à retoucher avec d’autres pierres pour en augmenter le taillant ou la pointe : peut-être même se seraient-ils servis de leurs dents pour mordre le silex, si Castaneda ne s’est pas trompé dans sa description des Indiens chasseurs du seizième siècle.

Cet emploi des outils primitifs, qui se continue encore çà et là sous la forme antique, fut le vrai commencement de l’industrie proprement dite : déjà l’on façonnait les pierres de silex que les archéologues ont la chance de retrouver encore là où les ancêtres les abandonnèrent après usage, et qui restèrent parmi les débris, tandis que les bois et diverses matières périssables retombaient en poussière. Ainsi se révèle, dans le bassin anglo-franco-belge, l’âge « reutelien », où l’homme vivait en compagnie de l’Elephas antiquus et du Rhinocéros Mercki.[1]

Puis de nouvelles révolutions et des changements graduels amenèrent la succession des âges pendant lesquels on apprit à tailler les pierres et à leur donner toutes les formes utiles pour en faire des instruments de travail ou des armes de combat ; ensuite vinrent les siècles où des artistes s’occupèrent de transformer leurs outils et

  1. Rutot, Sur l’Homme préquaternaire, page 19.