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nord et sud

« Midi », presque toujours associé à l’idée de chaleur excessive et de lumière aveuglante, aurait été spécialement réservé au Sahara et aux autres déserts de la zone torride, des deux côtés de l’Equateur[1]. Il en serait donc résulté, en bonne logique, que le mot « Nord » devrait s’appliquer à la fois aux terres glacées de l’hémisphère boréal et à celles de l’hémisphère austral. Mais pareille convention serait trop contraire à tous les usages pour avoir la moindre chance d’être adoptée, et par conséquent le terme « Sud », gardant forcément une signification de géographie stricte, ne se rapporte qu’à la position des terres relativement au pôle arctique.

D’une manière générale, conformément au langage ordinaire, l’équateur limite le Nord et le Sud, mais, plus spécialement et sans explication nécessaire, on comprend la division naturelle indiquée par les formes continentales elles-mêmes : l’Amérique se trouve naturellement partagée en nord et en sud par la mer des Caraïbes et le pédoncule des isthmes ; la Méditerranée est une autre zone de séparation formée par la nature, entre l’Europe, continent septentrional, et l’Afrique, continent méridional. Plus à l’est, le trait de partage est moins net ; cependant le contraste des climats du nord et du sud est parfaitement marqué par les versants opposés des montagnes qui, sous divers noms, se continuent du Caucase et du Demavend à l’Himalaya. Mais tout à fait à l’est du continent asiatique, la ligne de division entre Nord et Sud est difficile à tracer : elle se confond avec la racine de la grande péninsule indo-chinoise.

Souvent aussi on a tâché d’établir une différenciation précise entre l’Est et l’Ouest, et déjà, suivant les idées dominantes et les diverses contrées, les géographes ont choisi des lignes méridiennes de partage, divisant le monde en deux moitiés, considérées l’une comme orientale, l’autre comme occidentale. Le méridien de Paris, celui de Greenwich, qui est maintenant adopté, sauf quelques exceptions négligeables, par les marins du monde entier, ne pouvaient avoir qu’une valeur toute conventionnelle pour la facilité des calculs astronomiques entre la montée du soleil et sa descente, entre l’Orient et le Ponant. Mais ils ne coïncident en rien avec une ligne de séparation naturelle. Parmi tous

  1. Carl Ritter, De la Configuration des Continents, trad. E. Reclus, Revue germanique, nov. 1859.