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l’homme et la terre. — divisions et rythme de l’histoire

Antilles ; même les peuplades qui, dans leurs longues migrations, avaient parcouru le pays de l’un à l’autre versant ne pouvaient se faire qu’une idée très vague des régions traversées, et leurs traces s’étaient perdues comme le sillage d’un navire dans la mer. De même, dans l’Amérique méridionale, les terres de faible élévation, de beaucoup les plus étendues du grand corps, continental, et la moitié des régions montagneuses appartenaient à des peuplades errantes ou sédentaires, n’ayant qu’un très faible horizon géographique. Quant aux nations policées des plateaux, de l’Anahuac au Titicaca, elles étaient, pour ainsi dire, suspendues dans l’espace immense, sans relations avec le reste de l’humanité.

L’Amérique entière se trouve donc retranchée du monde historique jusqu’à une époque antérieure de quelques siècles seulement à la découverte de Guanahani par Christophe Colomb ; même de nombreuses populations américaines, demeurées inconnues longtemps encore après la découverte du double continent, n’ont été rattachées que tout récemment par les voyageurs à l’ensemble du genre humain.

Si le Nouveau Monde est resté, jusqu’aux siècles d’hier, en dehors du cycle de l’histoire, le groupe des masses continentales dit « Ancien Monde » ne lui appartient pas non plus dans son entier. Avant Vasco de Gama, l’Afrique n’en fit partie que par le bassin du Nil et par son littoral méditerranéen, Égypte, Cyrénaïque, Maurétanie ; d’immenses espaces dans l’immense Asie viennent à peine d’entrer dans le cercle de la connaissance humaine avec les grandes terres océaniques et les traînées insulaires de la mer du Sud.

Les pays qui, dans la lointaine perspective des temps, nous apparaissent comme émergeant du noir de la nuit pour s’éclairer d’une lumière d’aube se succèdent de l’Atlantique au Pacifique, diversement lumineux et sur une largeur inégale. Les territoires qui subirent l’influence grecque et romaine, le plateau d’Iran et les monts d’Arabie, l’Inde et la plaine que parcourent les fleuves chinois constituent cette zone de la première histoire, dont l’axe sinueux est marqué à l’ouest par la dépression de la Méditerranée, à l’est par le diaphragme de montagnes, dit Immaüs par les Anciens (Himalaya). Il faudrait peut-être y ajouter les îles de l’océan Indien qui font cortège aux péninsules gangétiques et l’Insulinde proprement dite.

Cette zone des terres protohistoriques, aux contours très indécis,