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prêtres et sacrifices

« avoir des entrailles de Dieu », répétaient aussi les Taïtiens quand ils pratiquaient leurs infanticides[1]. Le maître isolé dans le ciel des Juifs n’est-il pas aussi un « Dieu fier et jaloux » ? Et dans une auguste
Dessin de George Roux, d’après une photographie.
sorciers soudanais rendant un oracle d’après la position des bâtons et des cailloux
indifférence, Zeus s’assied au faîte de l’Olympe pour se réjouir de la guerre de ces peuples périssables, les Troyens et les Achéens, qui s’entr’égorgent à ses pieds[2].

Cette haine sanguinaire, cette jalousie terrible de la foule des génies et du maître des génies, il ne pouvait y avoir qu’un seul moyen de les conjurer, le sacrifice : de même que, dans un incendie destructeur des forêts, le sauvage faisait la part du feu, de même il donnait un peu de sang au dieu avide qui voulait le boire à flots ; du moins gagnait-il ainsi du temps. Mais partout où la population vivait sous la terreur inspirée par le magicien, un peu de sang ne suffisait pas, il en fallait beaucoup et la soif du dieu n’était jamais satisfaite. De là le devoir pour l’adorateur de sacrifier ce qu’il avait de plus cher. Avant que l’ange de l’Eternel arrêtât la main d’Abraham prêt à égorger son fils Isaac, combien d’autres pères avaient dû mettre à mort leurs fils et donner à l’esprit redoutable les prémices de toute existence animale naissant dans leur domaine. Le père ne pouvait se racheter que par la mort du fils. A l’est du lac Stéphanie, les Boran

  1. William Ellis, Polynesian Researches.
  2. Iliade, XX.