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nourriture des âmes

aussi nombreux que les feuilles des arbres ou que les grains de sable du rivage, s’établit une hiérarchie analogue à celle qui prévaut dans la société des diverses tribus : chez les peuplades égalitaires les disparus sont tenus pour des égaux ; chez celles où le pouvoir des uns s’est fondé sur la servitude des autres, le traitement des morts varie de l’apothéose à l’absolu mépris. La création d’un corps sacerdotal dut accuser la différence d’acception réservée aux trépassés, puisque magiciens et prêtres s’érigent en juges, en dispensateurs des punitions et des récompenses d’outre-tombe. Mais, en dépit des jugements que prononce l’homme de religion, un doute subsiste toujours. Les calvinistes, on le sait, proclamaient, après saint Paul, après saint Augustin, le dogme de la prédestination : le sort des hommes est fixé d’avance, à pile ou face ; de même, à Taïti, les âmes aveugles, sortant des corps au hasard, rencontrent l’une ou l’autre de deux pierres, l’une ouvrant le chemin de la vie éternelle, l’autre celui de l’éternelle mort[1].

sépulture d’un chef gaulois

A ses pieds, des vases et de petits récipients contiennent des provisions et des plantes aromatiques destinées à la guérison des blessures. Le corps repose sur le char, dont les ferrures de la jante et du moyeu des roues ont seules été respectées par le temps.

Les prêtres, comme les chefs, s’étaient élevés au-dessus de la foule

  1. Marillier ; Remy de Gourmont, Le chemin de velours, p. 18.