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l’homme et la terre. — origines

de leur vol convergent, tous ces animaux ont aussi leur civilisation qui vaut peut-être bien la nôtre.

Si l’homme n’avait eu sous les yeux que les exemples donnés par ses compagnes les bêtes, s’il n’avait obtenu leur appui dans les luttes de l’existence,
squelette de chimpanzé.
Même échelle et même position que le squelette humain de la page 15.
si d’autre part il ne s’était ingénié pour échapper aux animaux qui furent ses ennemis ou pour triompher d’eux, il ne serait resté qu’un bipède sauvage parmi les quadrupèdes, n’ayant d’autre bien que son héritage de bête, et nul progrès ne se serait accompli dans sa destinée ; peut-être eût-il succombé. D’ailleurs, il ne manque pas de contrées où, même de nos jours, l’homme n’a pu se maintenir contre ses rivaux dans la bataille de la vie.

Telles plantations dans le voisinage de Singapour restèrent désertes à cause des visites redoutées du tigre royal. En diverses parties de l’Afrique, des éléphants, s’ouvrant des chemins à travers les forêts en écrasant les branches sous leur large pied, dispersaient les indigènes effrayés ; mais voici que le blanc commence la guerre d’extermination contre l’animal à défenses d’ivoire. Dans le Guatemala, sur le versant du Pacifique, tels districts visités par les chauves-souris vampires ont dû être abandonnés par l’homme, impuissant à garder son bétail et menacé lui-même de mort, quand une ouverture de sa cabane donnait entrée au redoutable suceur de sang. Enfin, les infiniment petits, sans parler des microbes de l’air, sont parfois des adversaires auxquels le colon doit céder.

Dans les régions où les moustiques tourbillonnent par nuées, affolant les êtres vivants sur lesquels ils se posent, la lutte était impossible avant que les médecins entomologistes eussent découvert le rôle des in-